Salah al Hamdani a un chien qui court dans sa tête depuis l'enfance. Les mots qu'il déracine un à un s'en souviennent. Il est venu voir nos enfants
à l'école. Il a écouté ses vers dans leur bouche et la poésie allait
debout, au rythme entêtant d'une boule de feu, et voilà qu'elle montait les degrés de l'horizon dans un frémissement d'oiseau puis se glissait parmi nous ébahis en semant des neiges et des
hirondelles.
Puis les enfants ont parlé. Avec une gravité rare, une émotion palpable. Le voyage de Bagdad à Paris après la prison pour avoir dit non à la dictature. La langue qu'il a fallu gravir sous le
regard aimant d'Albert Camus. Les vers à corps perdus. L'engagement de chaque instant dans les pas des frères opprimés. Et, en 2004, après la pendaison du dictateur, les retrouvailles avec la
famille, la mère. Encore des mots à déraciner, recouverts de vieilles cendres, et toute cette eau dans les yeux...
Après l'école, ce fut le spectacle mis en scène par François Mauget du théâtre des Tafurs. Les vocalistes de la Manufacture verbale eurent avec Jeanne Flora et Romain Falguières un entretien de
lumière et de pluie, de cris étouffés, de chuchotements portés haut, et le silence même nous étreignait.
Puis Salah al Hamdani a lu quelques-uns de ses poèmes, dans la tourbe des fleuves dont il a fait le pont, dans la langue à extraire d'où qu'elle vienne, avec le mystère de l'humain qui ne sait
pas, qui ne saura jamais ses relevailles du fond de la détresse. Mais une lueur toujours se présente dans ses paumes offertes. Et il la fait grandir grandir pour notre émotion de funambule.
Merci à toi Salah pour ces rencontres qui nous ont fait devenir, un moment, enfants et adultes contenus dans la même mémoire, autre chose que ce que nous sommes.
A bientôt.