Le mariage avait eu lieu 15 ans plus tôt, unissant un couple royal adolescent : Louis VII (17 ans) épousait
Aliénor (14 ans). La jeune héritière apportait en dot au roi de France l'immense Aquitaine. Mais l'austère et ascétique monarque, élevé pour devenir clerc, avait bien du mal à rendre heureuse sa
subtile reine grandie à la cour de son duché natal, entourée des poètes et troubadours protégés par son mécène de père : "J'ai épousé un moine, non un roi!", se
plaint-elle.
La discorde éclate lors de la 2ème croisade, à laquelle Aliénor accompagne son mari. A Antioche où ils
séjournent, Aliénor plaide la cause de son oncle qui gouverne la ville et sollicite en vain l'aide du roi pour rétablir l'ordre. Elle est accusée d'adultère (incestueux qui plus est) avec son
oncle.
Le 21 mars 1152, à la demande du roi, le mariage est annulé par le pape qui invoque de lointaines clauses de
consanguinité au 9ème degré. (Eminemment courant dans les familles régnantes, donc simple prétexte.) Funeste erreur !
La reine, à peine trente ans et fort courtisée, reprend sa dot et sa liberté, et s'en va épouser le futur et fringant jeune roi d'Angleterre, Henri II Plantagenêt, apportant au royaume d'Albion
tout le Sud-Ouest de l'hexagone, et à ses futurs enfants, héritiers de la couronne anglaise, une ascendance qui leur donnera des raisons de prétendre au trône de France, tragiquement affaibli
face à son rival.
Ce sera l'une des causes majeures de la Guerre de Cent ans qui ravagera la France deux siècles plus tard
(1337-1453).
Cent vingt années de villes assiégées et de récoltes saccagées, de famines et d'épidémies, de batailles et
d'incendies, de pillages et de viols, parce qu'un royal époux ne sut pas se montrer assez galant avec sa femme bercée de poésie et d'amour courtois.
On ne dira jamais assez combien ne pas savoir parler aux femmes peut coûter cher.
Publié dans l'Hebdo du Vendredi le 19 mars 2010