Le baseball japonais (2ème partie). Les Japonais, la MLB et l’Amérique.

Publié le 27 mars 2010 par Vinz

Deuxième et dernière partie consacrée à la présentation du baseball japonais. Cette fois je vais consacrer mon étude aux joueurs, à la fois aux plus grands joueurs et à ceux qui se sont expatriés aux États-Unis.


Les légendes du baseball.

Le Japon compte quelques-uns des meilleurs joueurs de l’Histoire du baseball. Leur nom n’est pas aussi connu qu’un Babe Ruth, Lou Gehrig, Hank Aaron, Jackie Robinson ou un Cy Young mais leurs performances n’ont rien à envier. Voici une liste non exhaustive.

Sadaharu Oh.

Sadahru Oh frappe son 868ème et dernier circuit.

Entre Ichiro Suzuki et Sadaharu Oh, le débat existera pour savoir lequel des deux est le plus grand joueur japonais. Ce qui est sûr c’est que Sadaharu Oh est une légende vivante du baseball. Né en 1940, ce Chinois de Taïwan détient le record absolu de circuits en carrière avec 868 de 1961 à 1980, soit 106 de plus que Barry Bonds. Oh partage le record de home runs sur une saison avec 55 et a été quinze fois, dont treize consécutivement, meilleur frappeur de circuits de la NPB. S’il a remporté avec les Yomiuri Giants neuf Japan Series d’affilée (sur 11 gagnées au total), il a gagné autant de titres de MVP, été cinq fois meilleur frappeur de la Ligue centrale et a réussi deux fois la Triple Couronne (meilleure moyenne au bâton, plus haut total de circuits et de points produits dans une ligue). Étonnamment, il n’a jamais été MVP de la série ultime. Il a aussi réussi une belle carrière de manager, dirigeant l’équipe japonaise lors de la Classique Mondiale de 2006. Il est le leader en circuits, points produits, points marqués et dans la plupart des  catégories statistiques offensives au Japon.

Katsuya Nomura

De cinq ans plus âge qu’Oh, ce receveur est le meilleur en attaque que le baseball ait jamais connu. Il a frappé 657 circuits en carrière et a mené 8 années consécutivement la Ligue Pacifique dans ce domaine. Il a remporté 5 titres de MVP mais n’a gagné qu’une seule Japan Series en 1959 avec Nakai Hawks contre les Giants d’Oh.

Shigeo Nagashima.

Nagashima est à Oh ce que Lou Gehrig est à Babe Ruth. La deuxième lame de l’attaque des Giants. Le numéro 3 des Giants a frappé 444 circuits en carrière entre 1958 et 1974, remportant 5 fois le titre de MVP de la Ligue Centrale. Ensuite, Nagashima est devenu le manager des Giants gagnant 3 Japan Series entre 1975 et 1980 puis de 1993 à 2001.

Isao Harimoto.

Avec 3085 coups sûrs, Harimoto détient le record de coups sûrs en carrière dans la NPB. Il a aussi frappé 504 home runs, remporté 8 fois le championnat des frappeurs et une fois le titre de MVP de la Ligue Pacifique.

Masaichi Kaneda.

Le plus grand lanceur japonais de l’Histoire. Il a remporté exactement 400 victoires en carrière (pour 298 défaites en 944 parties). Il a lancé un match parfait en octobre 1957. Comme exploit, on lui doit d’avoir retiré sur des prises Nagashima et Oh à leur première apparition à la batte dans le baseball professionnel japonais. Si Oh est le roi (Oh veut dire roi en Japonais), Kaneda est surnommé l’Empereur.


Les Américains au Japon.

Comme je l’ai écrit dans le premier tome, la présence de joueurs américains remonte aux années 1960. Mais c’est à partir des années 1990 que les joueurs venus du continent ultra-pacifique se généralise. Cependant la NPB a imposé des quotas d’étrangers.

Aucun des joueurs du continent américain expatrié au Japon n’a réussi une vraie grande carrière en MLB. L’exil était une façon de réussir dans un championnat professionnel relevé. Ce n’est pas encore considéré comme une voie de secours en fin de carrière mais plus une façon de se relancer quand on constate, dans la force de l’âge, que la MLB ne veut pas de vous. De plus, les Japonais choisissent le plus souvent des joueurs spécifiques, surtout des gros frappeurs, ce qui manque dans l’archipel. On a aussi quelques partants et pas mal de releveurs.

Ainsi, les meilleurs étrangers n’ont jamais fait carrière. Mais ce sont des légendes au Japon, voici les deux plus importants.

Tuffy Rhodes.

Une carrière anonyme dans les filières des Astros de Houston puis chez les Cubs de Chicago et un peu aux Red Sox de Boston. En 6 saisons, Rhodes n’avait frappé que 13 circuits dans les Majeures et disputé que 225 matches (et 590 présences officielles). C’est en 1996 que Rhodes franchit le Pacifique et s’illustre rapidement. En 2001, il égale le record de circuits de Oh avec 55 et en frappe 51 en 2003. Ses performances sont encore remarquables malgré l’approche de la quarantaine : en 2008 il claquait 40 circuits et l’an passé seulement 22 en 84 matches. Rhodes a frappé 491 home runs en NPB.


Alex Cabrera.

Le Vénézuélien a végété dans les ligues mineures un petit moment de 1992 à 1998. Il s’est essayé une saison à Taïwan en 1999 et n’a pas réussi à s’imposer avec la jeune franchise de l’Arizona malgré 35 circuits en AA en 2000 et 5 en 31 parties en MLB. En 2001, Cabrera signe pour les Lions de Seibu et fait rapidement apprécier sa puissance : 49 circuits cette année-là et 55 l’année suivante (égalant les marques de Rhodes et Oh), 50 encore en 2004. Sa saison 2009 a été ralentie par des blessures. Cité dans le rapport Mitchell sur le dopage en MLB, Cabrera n’a jamais été contrôlé positif en NPB, qui applique pourtant les règles en vigueur de l’AMA.


Les stars nippones au pays des cinquante étoiles.

42 japonais ont évolué dans les Ligues Majeures. Le premier a été le lanceur Masanori Murakami en 1964-1965 mais il a fallu attendre 30 ans pour avoir un deuxième japonais. L’arrivée des joueurs japonais date du début des années 2000. Ce sont des stars qui franchisent le Pacifique dans l’autre sens. Voici quelques-unes de ces stars. Ils sont actuellement 15 à évoluer dans une équipe des Ligues Majeures, un est free agent et 14 évoluent dans des ligues mineures.

Ichiro Suzuki (Seattle Mariners).

Lla légende du baseball. Celui qui prépare sa frappe comme on tend un arc. Ichiro comme on l’appelle détient la plus haute moyenne en carrière dans la NPB (0.353) avant d’arriver à Seattle en 2001. Cette année-là, alors qu’il a 27 ans, il est rookie de l’année et MVP. Suzuki n’est pas un frappeur de circuits mais bien un frappeur tout court. Sa vitesse et son sens du jugement sont précieux en défense : il a toujours remporté un Gold Glove en MLB et 7 fois en NPB. Suzuki détient enfin le record de coups sûrs en une saison avec 262.


Hideki Matsui (Los Angeles Angels)

Avant de signer aux Yankees en 2003, Matsui avait déjà frappé 333 circuits en NPB. Au Japon, Matsui a remporté 3 Japan Series et 3 titres de MVP. Surnommé « Godzilla », Matsui devient progressivement un des joueurs clés de l’attaque des Yankees. Mais les blessures au genou le rattrapent et Matsui se voit relégué au poste de frappeur désigné. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il exécute les Phillies de Philadelphie lors du dernier match de la Série Mondiale 2009. Il devient le premier Japonais élu MVP d’une Série Mondiale, chose d’autant plus remarquable qu’il ne joue pas dans le champ. Les Yankees ne pouvaient se permettre de payer 15-16 millions un joueur qui ne peut plus tenir le champ extérieur. C’est pourquoi malgré son statut, ils l’ont laissé partir. C’est du côté des Angels, qui cherchaient justement un frappeur, que Matsui va poursuivre sa carrière.


Daisuke Matsuzaka (Boston Red Sox).

Pour moi c’est le meilleur lanceur droitier du monde. « Dice-K » a commencé sa carrière en NPB en 1999 à l’âge de 18 ans. Avec Seibu il terrorise les attaques adverses en multipliant les strikeout (d’où son surnom : Dice est un terme technique au baseball et K pour strike). En 2007, après avoir préalablement gagné les Japan Series de 2004, il débarque à Boston et sert sa sauce (409 strike outs en 431 manches lancées dans la MLB). Il remporte deux Classiques avec le Japon (2006 et 2009) et participe à la victorieuse campagne de 2007. En 2009, Matsuzaka a connu des pépins physiques persistants (il n’a lancé que 12 matches). Il promet que 2010 sera une grande saison. Et je veux bien le croire.


Kosuke Fukudome (Chicago Cubs).

C’est à la trentaine que Fukudome décide de tenter sa chance en MLB. Frappeur fiable (0.301 en carrière avec les Chunichi Dragons), Fukudome vient occuper le champ extérieur droit des Cubs en 2008. Les choses commencent bien mais la saison est longue et Fukudome s’épuise dans la deuxième partie de celle-ci. Sa baisse de régime est une des causes de l’échec des Cubs au premier tour des playoffs, l’attaque ayant flanché. 2009 n’a pas été une grosse réussite même s’il glisse au champ centre ; néanmoins, le Japonais a une bonne lecture des trajectoires ce qui lui permet d’obtenir beaucoup de buts sur balles. Il est devenu le premier frappeur dans l’ordre au cours de la saison.


D’autres joueurs notables ont tenté leur chance aux Etats-Unis avec plus ou moins de succès :

Une carrière plutôt honorable pour Tadahito Iguchi, revenu en 2009 au Japon, après avoir joué notamment pour les White Sox de Chicago et les Phillies de Philadelphie avec lesquels il a remporté deux Séries Mondiales.

Hideo Nomo est le Japonais qui a joué le plus longtemps en MLB, de 1995 à 2008. Il a évolué pour les Dodgers, les Red Sox, les Mets, les Royals, les Tigers, les Brewers avec davantage de succès au cours de ses deux séjours à Los Angeles. Nomo a gagné 161 matches pour 98 défaites. Il a été élu MVP de la Ligue Pacifique, rookie de la Ligue Nationale en 1995 et lancé deux matches sans point ni coup sûr.

D’autres ont connu des échecs :

Kenji Johjima a joué quatre saisons avec les Mariners de Seattle de 2006 à 2009. Frappeur fiable et puissant, Johjima a beaucoup souffert après une bonne première saison. Ce receveur offensif est retourné au Japon cette saison, pour les Hanshin Tigers (20 millions de $ sur 4 ans).

Masahide Kobayashi est un bide pour les Indians de Cleveland (placé !). Ce spécialiste de la 9ème manche (195 sauvetages, seul releveur à compter au moins 20 sauvetages sur 7 saisons consécutives) devait être le releveur numéro un lorsqu’il a signé en 2008. Malheureusement l’adaptation ne s’est pas bien passée, il a perdu confiance. Bis repetita en 2009 et les Indians ont préféré le libérer en juillet dernier, ce qui économisait un peu de sous. Kobayashi rebondit aujourd’hui aux Yomiuri Giants.

Plus grande encore est la déception Kei Igawa : solide lanceur des Hanshin Tigers, Igawa débarque aux Yankees. Il a remporté le titre de MVP dans la Ligue Pacifique en 2003 et est réputé pour son agressivité contre les lanceurs. Il signe un contrat de 20 millions sur 5 ans avec les Yankees. Les choses commencent mal malgré un superbe gain contre les Red Sox. Igawa perd confiance et sa place dans les majeures et ses performances dans les mineures sont bonnes mais pas du standing qu’il avait en débarquant et pas assez impressionnantes pour revenir durablement dans l’équipe majeure. Igawa a sans aucun doute eu des difficultés d’adaptation mais les entraineurs des Yankees lui ont fait changer sa mécanique de lancer. Or cela prend beaucoup de temps, plus encore pour un lanceur déjà confirmé. Une erreur de la part des Yankees qui auraient dû laisser l’intuition s’exprimer même si le mouvement ne leur plaisait pas. Igawa ne débutera pas la saison en MLB alors que la lutte pour la cinquième place de partant dans la rotation des Yankees est ouverte.

Les espoirs.

La MLB devient désormais un nouvel Eldorado des champions japonais. La plupart des joueurs convoités le sont pour deux raisons : leurs qualités de lanceurs (partant en particulier) et leur vitesse ou leur dextérité. Les Américains n’ont pas besoin de cogneur mais bien de joueurs rapides qui peuvent frapper mais aussi aller vite pour gagner des bases. Les scouts de la Grande Ligue observent quelques unes de ces stars. Voici les principales :

Yu Darvish.

De père iranien, le jeune lanceur droitier (23 ans et demi) est la grande star de la NPB.  Lancé dans le grand bain à 19 ans en 2005, il atteint rapidement un niveau phénoménal par sa vitesse (près de 160 km/h en pointe en balle rapide), facilitée par sa grande taille (1,95 m et 85 kg) malgré une apparence relativement fine. Son panel de lancer est assez varié, ce qui rend encore plus difficile de deviner ses intentions. Darvish lance en moyenne 8 manches par match et samedi dernier, pour le match d’ouverture des Nippon Ham Fighters d’Hokkaido, il a lancé un match complet malgré la défaite. Il a remporté en 2006 les Japan Series et détient deux titres de MVP de la Ligue PacifiqueC’est la prochaine cible des recruteurs MLB, d’ici 3-4 ans peut-être moins. Nul ne doute que son contrat sera alors gigantesque ; il est déjà le lanceur le mieux payé de sa Ligue. En 2009, sa moyenne de points mérités (ERA) est tombée à 1,73, laissant moins d’un coureur en moyenne par manche atteindre les sentiers (avec 0,9 alors que les meilleurs ont une moyenne à 1,2 environ).


Voici le tour de la question au sujet des joueurs de baseball japonais. La NPB s’inquiète du départ des meilleurs cadres mais cet exil reste à nuancer pour deux raisons principales : d’abord l’âge avancé des joueurs qui partent. La plupart ont plus de trente ans (Kawakami, Uehara arrivés l’an passé ont plus de 33 ans), ensuite parce que le nombre de Japonais reste encore peu important dans le baseball majeur.