Mardi, François Fillon reconnaît : "nous avons subi une défaite électorale. Cela veut dire que nous n'avons pas su convaincre." Nicolas Sarkozy n'aurait jamais prononcé un tel aveu. Trop fier, trop sanguin, trop narcissique. Le Monarque ne parle pas. Depuis dimanche, il agit, pour son camp, c'est-à-dire pour lui-même.
Le choc de dimanche
Par sondages interposés, Nicolas Sarkozy est prévenu quelques heures avant la clôture des votes dans les grandes villes. L'UMP va subir une vraie débâcle, un double affront : la gauche sort avec 18 points d'écart contre l'UMP - un record historique. Et le Front National a amélioré son score d'un tour à l'autre, preuve que des électeurs anciennement Umpistes sont allés gifler dans l'urne le Monarque. La séquence fut ensuite à la hauteur : le message est calé dans le bureau de Sarkozy, dimanche vers 18h45. On faut reconnaître la victoire de la gauche, accuser la crise, mais on ne changera pas de politique. Le soir même, les perroquets de Sarkofrance répètent les messages présidentiels.
Lundi, Sarkozy s'affronte avec Fillon, qui souhaite un large remaniement. Sarkozy veut consolider sa base, et couper l'herbe sous le pied à Dominique de Villepin. Il vire Xavier Darcos, promeut Eric Woerth à sa place au ministère du travail, et fait entrer deux trublions de l'opposition antisarkozyste à droite : François Baroin file au Budget, lui qui n'aimait pas le bouclier fiscal. George Tron arrive à la Fonction Publique, lui qui suggérait en 2002 de ne plus remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Eric Besson voulait changer de ministère. Il restera à l'Indignité Nationale, avec ordre de ne pas réitérer son débat sur l'identité française. Il réapparaît sur les plateaux. Lundi, il ne supporte pas une chronique humoristique de Stéphane Guillon, ... qu'il n'avait pas entendu.
Ecologie enterrée
Mardi, les députés UMP se sont lâchés. Ils ont peur. Nombreux ont été ceux qui ont vu leur circonscription basculer à gauche. Un grand défouloir était nécessaire. "Les critiques étaient là", sur tous les sujets, a commenté le député villepiniste François Goulard. Ce show était préparé pour la galerie des électeurs déçus à droite, et pour Nicolas Sarkozy. Il fallait qu'il se taise, qu'il écoute "sa" majorité. « La marmite est en train de bouillir » a commenté le député UMP Bernard Debré. On critique tout, la personnalité du président, Hadopi, la taxe carbone, le bouclier fiscal, les franchises médicales, le rajeunissement soudain des listes UMP aux régionales, ou le découpage territorial. Jean-François Copé, le président du groupe UMP, synthétise en demandant un changement de méthode et un retour aux fondamentaux qui ont fait le succès de Nicolas Sarkozy. Il demande aussi le report de la taxe carbone et « la fin de l’ouverture », un épouvantail bien facile pour cacher les difficultés politique du parti unique de la droite. Copé et les députés UMP auront gain de cause.
Cette semaine fut donc l'abandon de deux ambitions écologistes : la première, conquérir l'électorat d'Europe Ecologie, s'est brisée dimanche soir. Le grand écart tactique de l'entre-deux tours régional - du FN aux écolo-centristes - n'a pas payé. Mardi, la seconde ambition - celle d'une politique "d'écologie populaire", un fumeux concept développé par Chantal Jouanno aux ordres du Monarque élyséen, s'est achevée dans la déclaration de François Fillon : fortement applaudi mardi lors de la réunion des députés UMP à l'Assemblée, le premier ministre a leur a annoncé que la taxe carbone française était abandonnée. On attendra les calendes européennes pour l'appliquer en France car sinon, les entreprises françaises seraient pénalisées. La boulette est énorme. La presse retient que la taxe carbone est enterrée. Pire, Chantal Jouanno se dit désespérée de ce recul. Deuxième boulette. Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée lui passe un savon. Vendredi, le coup de grâce. Nicolas Sarkozy, lors d'une conférence de presse à Bruxelles vendredi, tacle sévèrement son inutile secrétaire d'Etat à l'Ecologie : «Je n'ai pas apprécié ces propos (silence, sourire nerveux). J'ajoute que les ministres n'ont pas à être désespérés. Ils ont à faire leur travail. Il y a une stratégie, elle a été fixée par François Fillon et par moi même. Que chacun s'y tienne » En quelques phrases, la secrétaire Jouanno est enterrée vivante. Nicolas Sarkozy est excessivement agacé par ces couacs monumentaux de Fillon puis Jouanno. A l'issue du Conseil européen, il annonce que l'Europe va étudier un projet de taxe carbone en juin. Le président français s'avance trop vite. Il n'y a en fait aucun projet en préparation de taxe carbone aux frontières.
`Qu'importe si les Français souffrent. Mardi, des centaines de milliers de Français manifestent dans les rues. Poste, hôpitaux, transports publics, Air France, et l’éducation nationale, quelques 400 000 (selon la police) à 800 000 (selon la CGT) personnes se sont ainsi rassemblées, avec un taux de grévistes de 20 à 40% dans la Fonction Publique.
Sarkozy obstiné
Mercredi, Nicolas Sarkozy parle une grosse dizaine de minutes devant les caméras. L'horaire est improbable (11h45), le Monarque fait semblant d'avoir le courage de parler. Il est comme ça Nicolas, un faux courageux sous des airs de caïds. Mercredi donc, le Monarque s'est donc exprimé, calé derrière un pupitre pour lire un discours, filmé trop large, le visage fatigué, le verbe lent, collé à un mur comme acculé par la réalité. Il répète le même message que ses perroquets de l'UMP depuis 3 jours: il reconnaît le signal national, mais rappelle son contrat de mandature et fait de gros clins d'oeil aux clientèles principales de l’UMP (médecins, agriculteurs, frontistes). Rien ne changera en Sarkofrance, pas même le discours du président qui se croit toujours candidat : pas d'augmentation ds impôts (qu'importe les déficits), gros cris d'orfraie sécuritaire, et, luxe suprême, un peu de valeurs républicaines. Après l'Epad, l'augmentation de salaire présidentiel, les nominations de proches aux têtes de quelques banques et grandes entreprises, ou celles des patrons de l'audiovisuel public, les voyages privés financés par les contribuables, voici le retour de la "République irréprochable" ! Sarkozy ressert et ressort un vieux discours de campagne présidentielle: sécurité, travail, mérite, laïcité, égalité, autorité, protectionnisme. Tout y est.
Sarkozy annonce la couleur: sa réforme de l'année sera celle des retraites. Eric Woerth a prévenu que la réforme sera "protectrice" pour les Français. La sauvegarde du régime des retraites sera-t-elle l'enjeu de victoire de Sarkozy en 2012 ? Madame Carla Bruni n'a de toute façon pas envie que son époux se représente. Ce serait mauvais pour sa santé, a-t-elle expliqué au Figaro Madame. Elle en est la rédactrice en chef, le temps d'un numéro, photos retouchées à l'appui.
Il faut commencer à semer le doute dans l'esprit des Français sur l'éventuelle candidature de Nicolas Sarkozy. Le monarque, maintenant honni, aimerait se faire désirer.
C'est une question d'orgueil.
La France en crise
Jeudi, la nouvelle était grave. les prix du gaz pour les particuliers vont augmenter de 9,7%. C'est une commission "indépendante", la commission de régulation de l'énergie, suivant une formule de calcul "stupide" (dixit UFC Que Choisir) qui l'a décidé. Avant la réforme de 2009 puis la privatisation de GDF, le gouvernement avait le dernier mot. Plus maintenant. En décembre dernier, Eric Woerth avait décidé que GDF négocierait directement ces inflations avec la dite commission. La hausse, déconnectée du renchérissement réel des prix du gaz, sera de 85 euros en moyenne par an et par famille cette année. C'est la plus forte hausse depuis 5 ans. Le bénéfice de GDF-Suez est annoncé à 4,47 milliards d'euros en 2009. Vendredi, l'INSEE révise ses prévisions de croissance à la baisse. l'institut n'attend que +0,2% et +0,3% aux premier et second trimestre 2010. On est loin du +0,6% du dernier trimestre 2009, célébré par Sarkozy et Lagarde. Le pouvoir d'achat fléchit. En 2009, il avait cru de 2,2%, grâce à une inflation quasi-nulle et des salaires qui progressaient en tenant compte plus ou moins bien de l'inflation de l'année précédente. Pour 2010, le paysage est sombre. l'inflation repart (déjà +1,3% en rythme annuel), les salaires ne progressent plus, et le chômage s'est envolé de 25% depuis un an (encore +33 000 en février dernier).
Sarkozy s'en fiche. 2013, c'est loin. Il pense à 2012. Il a réexpliqué mercredi que les impôts n'augmenteraient pas. Et il a fait nommer un ancien fidèle collaborateur comme directeur de cabinet de Français Baroin. Ce dernier est bien épaulé. Au cas où.
Ces mauvaises nouvelles n'arrangent pas le discours de la France vis-à-vis de l'Europe. La commission européenne avait critiqué les prévisions trop optimistes de croissance du PIB en 2011-2013 et l'absence de plan d'économies budgétaires alternatif. Voici que la croissance n'est pas là comme prévu dès 2010 ! Jeudi, Sarkozy a failli faire croire qu'il avait convaincu Angela Merkel d'aider la Grèce. En fait, les chefs d'Etat européens ont accepté de prêter de l'argent à la Grèce, au prix du marché (donc à des taux aujourd'hui prohibitifs), et "en dernier recours". La Grèce est bien avancée.
En quelques jours, Nicolas Sarkozy est apparu autiste (dimanche, sur les résultats des élections), obstiné (lundi, sur le faible remaniement), menteur (mardi, sur la taxe carbone), trouillard (mercredi, avec son discours masqué), évasif (jeudi, à Bruxelles), agacé (vendredi, contre Jouanno). Jeudi, son grand rival Villepin a lancé son mouvement. Et Martine Aubry est donnée gagnante contre lui dans les sondages.
Fichue semaine !
Ami sarkozyste, où es-tu ?