La rencontre remarquablement animée par Nathalie Six réunissait trois écrivains qui ont en commun le fait d'avoir puisé dans le réel pour écrire leurs fictions : Marie Darrieussecq, Régis Jauffret et l'écrivain indien Tarun J. Tejpal.
Marie Darrieussecq vient de publier Rapport de police : Accusations de plagiat et autres modes de surveillance de la fiction, (P.O.L.) lassée par les accusations de plagiat dont elle faisait l'objet. « Alors que je n'écris que de la fiction, je me suis retrouvée dans la situation paradoxale d'avoir à me justifier de le faire », souligne-t-elle.
Pourtant la frontière entre la fiction et les récits de faits est bien souvent poreuse. Mais qu'est-ce donc que d'écrire de la fiction ? Et comme se le demande Marie Darrieussecq, « Faut-il nécessairement avoir vécu les situations que l'on décrit ? »
Les situations fictives que décrivent Régis Jauffret dans Sévère (Seuil) et Tarun J. Tejpal dans ses deux romans Loin de Chandigarh et L'Histoire de mes assassins (Buchet-chastel) sont inspirées de faits réels. Les deux auteurs partagent également un passé de journaliste. Régis Jauffret a librement imaginé une fiction qui s'appuie sur l'assassinat du banquier Edouard Stern et sur le procès de Cécile Brossard. Régis Jauffret assure avoir créé pour Sévère « des personnages de fiction à part entière ».
Pour Tarun J. Tejpal, les narrateurs de ses deux romans n'ont rien à voir. Il crée son narrateur qui n'est donc pas à proprement parler son double même s'il existe des similitudes avec le journaliste enquêteur et fondateur de Tehelka, Tarun J. Tejpal. Les faits divers apparaissant dans les romans de l'auteur indien ont également des points communs avec certaines affaires qu'a connu M. Tejpal. Marie Darrieussecq rappelle qu' « elle s'empare tout le temps de faits divers. Ce sont nos histoires ».
Les 3 auteurs s'accordent sur le fait que l'on est obligé de puiser dans le réel lorsqu'on écrit et que c'est l'imagination de l'écrivain qui donne vie au(x) personnages de fictions. C'est en « triturant » le réel - d'après Régis Jauffret - que l'on arrive à créer des situations qui vont réveiller le lecteur ou le mettre mal à l'aise, l'interpeller. Tarun J. Tejpal conclue « je critique tellement de gens dans mes livres. Si mes proches s'y étaient reconnus, ils m'auraient abandonné ».