Dans violette, il y a viol, voile, voilette, violet (« le rayon violet de ses yeux », l’« Oméga » de Rimbaud), bien que les yeux, ou plutôt le regard aigu, de Berthe Morisot soient de couleur noisette. Il y a aussi viole, l’instrument de musique. Dans un petit tableau magistral, Manet peint, côte à côte, un billet écrit, un bouquet de violettes et un éventail. Bleu, blanc, rouge. On lit Mlle Berthe, et sa signature. On peut difficilement faire plus explicite comme déclaration de délicatesse érotique violente.
Rimbaud : « l’élégance, la science, la violence ».
Quand le style français atteint cette pointe du concert (Watteau, Fragonard, Manet), c’est exécuté avec presque rien.
Voilà ce que Bataille appelle l’indifférence active de Manet. Un détachement vibrant.
Magie de ces deux vers de Rimbaud :
Mais l’araignée de la haie
Ne mange que des violettes.
Ce Manet est un des plus beaux portraits du monde. Il illumine ma journée.
Sollers, L’Année du Tigre