Lorsque dans un discours en date du 27 juin 2007, Madame DATI, ancien Garde des Sceaux annonçait la réforme de la carte judiciaire, elle indiquait que cette réforme était nécessaire pour améliorer le fonctionnement des juridictions notamment.
Cette réforme a été vivement contestée par l’ensemble des professions judiciaires non dans son principe mais dans ses modalités décrétées sans réelle consultation.
Illustration pratique de « l’amélioration du fonctionnement des juridictions » depuis la réforme.
Imaginons un couple qui décide de consacrer une partie de son épargne à l’achat d’un petit appartement dans l’objectif de le louer et à terme de le transmettre à ses enfants. Pour ce faire, ils doivent tout de même faire appel à leur banquier. Il s’endettent donc sur quinze ans puis rapidement après leur acquisition trouve une jeune locataire qui bénéficie de la caution d’un tiers. Celle-ci règle sans difficulté le loyer jusqu’au jour ou elle rencontre des difficultés.
La descente aux enfers commence pour notre couple. Après avoir tenté le recouvrement amiable des sommes qui leur sont dues, nos propriétaires sont contraints de se tourner vers la justice. Nous sommes au mois d’octobre 2008. Commandement de payer visant la clause résolutoire, le locataire défaillant a deux mois pour régulariser la situation. Il n’en fait rien et les propriétaires saisissent donc le juge des référés du Tribunal d’instance d’Ecouen (95) en janvier 2009 afin de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et obtenir l’expulsion.
L’affaire est évoquée une première fois en mars 2009 puis renvoyée à 3 reprises pour des raisons diverses.Pendant ce temps la, la Garde des Sceaux met en œuvre sa réforme qui prévoit la fermeture du Tribunal d’Instance d’Ecouen au 1er janvier 2010.
Et ce qui devait arriver arrive. Le Tribunal d’instance d’Ecouen ferme avant que l’affaire ne soit jugée, son contentieux étant transféré au Tribunal d’instance de Gonesse. Les difficultés continuent car le Tribunal d’Instance de Gonesse informe nos heureux propriétaires que leur affaire sera finalement jugée le … 18 novembre 2010.
Pendant ce temps la, ils doivent continuer de régler le crédit souscrit lors de l’acquisition du bien alors qu’ils perçoivent plus un centime de loyer. La dette augmente donc pour atteindre près de 7000 €. L’affaire ne doit être jugée que dans 8 mois à raison de 600 € d’impayés par mois … Pire, si le juge des référés ordonne l’expulsion, celle-ci ne pourra plus intervenir avant le 15 mars … 2011 en raison de la période de protection hivernale.
Alors pourquoi autant de délais me direz-vous ? La réponse est simple. Si la réforme de la carte judiciaire a prévu la fermeture de certaines juridictions et le transfert du contentieux vers d’autres juridictions, les moyens humains n’ont pas suivi. Le Tribunal d’instance d’Ecouen occupait un magistrat et demi outre plusieurs personnels de greffe. Ils n’ont pas été réaffectés au Tribunal d’Instance de Gonesse qui n’a en fait reçu qu’un stock de dossiers.
Il est vrai que le Tribunal d’Instance d’Ecouen n’était pas la plus grosse juridiction du Val d’Oise mais à titre d’exemple, il gérait l’ensemble du contentieux locatif de la ville de Sarcelles, commune de 60.000 habitants. On aboutit par la force des choses à un engorgement des audiences donc à des délais d’audiencement d’autant plus longs.
En attendant, ce sont les justiciables qui en font les frais. Je crains que les beaux discours de notre ancien ministre ne soient de nature à calmer leur colère légitime et j’imagine que l’exemple donné ici existe ailleurs en France. A méditer.