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Absynthe Minded sortira en juin son quatrième album, dĂŠjĂ disque d’or en Belgique. DĂŠjĂ remarquĂŠ lors de ses nombreux concerts, le groupe de 5 musiciens menĂŠ par Bert Ostyn, sort un de ces albums rares qui procurent un plaisir aussi immĂŠdiat que durable. Absynthe Minded synthĂŠtise le parcours et la fascinante palette sonore du groupe – du folk-rock au swing manouche, en passant par l’indie rock et des ambiances jazz. L’album regorge de tubes en puissances au pouvoir mĂŠlodique hors norme. En tĂŠmoigne Envoi le premier extrait.
Depuis dEUS, Zita Swoon et l’incontournable Godfather Arno, tout le monde sait que la Belgique s’est imposĂŠe comme la plaque tournante du rock europĂŠen sur le vieux continent. Autant que leur cinĂŠma, capable de vous embringuer dans d’improbables road movies – en dĂŠpit de la superficie fort modeste du pays -, les rockers belges ont toujours eu le don de s’ouvrir de grands espaces soniques, et de les arpenter en toute libertĂŠ, avec l’horizon pour seule limite. Comme si la proximitĂŠ des cĂ´tes anglaises‌ A moins que ce ne soit, dĂŠrivant sans fin sur la mer du Nord depuis les lointaines sixties, quelque cargo fantĂ´me abritant l’une de ces radios pirates dont les ĂŠclats ĂŠlectriques rĂŠsonneraient encore dans l’imaginaire des musiciens d’Anvers, de Bruxelles ou de Gand‌ la ville oĂš, justement, a dĂŠbutĂŠ l’aventure d’Absynthe Minded. L’idĂŠe amuse visiblement Bert Ostyn, tout Ă la fois songwriter en chef et tĂŞte chantante du quintet: « Oh, oui, c’ĂŠtait cool, ce bateau. J’ai d’ailleurs des disques avec les jingles publicitaires de cette pĂŠriode. C’est plutĂ´t nostalgique… »
Bert, c’est le garçon au Rubik’s Cube sur la pochette d’Absynthe Minded, ce quatrième album qui synthĂŠtise assez miraculeusement le parcours et la fascinante palette sonore du groupe – du folk-rock au swing manouche, en passant par l’indie rock et des ambiances presque noisy. Autour de lui, Jan Duthoy (piano, orgue Hammond), Sergej Van Bouwel (contrebasse), Renaud Ghilbert (violon) et Jakob Nachtergaele (batterie) tissent, sur leurs instruments vintage en diable, des climats Ă dominante acoustique mais capables aussi de virer Ă l’orage, ou de s’offrir, le temps d’un chorus de guitare, une somptueuse digression jazzy.
C’est donc Ă Gand (Gent, en flamand), citĂŠ mĂŠdiĂŠvale et nĂŠanmoins branchĂŠe, que le groupe s’est formĂŠ en 2002. Bert: « J’ĂŠcrivais des chansons depuis mes 14, 15 ans, pas forcĂŠment très bonnes. Et puis, Ă 18 ans, je suis arrivĂŠ Ă Gand pour ĂŠtudier les techniques d’enregistrement et j’ai rencontrĂŠ des musiciens de jazz. Le jazz, c’ĂŠtait quelque chose de nouveau pour moi, j’ĂŠtais plus un mec rock. DĂŠcouvrir Django Reinhardt, Miles Davis, tous ces grands musiciens m’a ouvert l’esprit. J’avais cet ami, Sergej, qui jouait de la contrebasse, et Jan, avec qui je faisais dĂŠjĂ un groupe. Alors, on a montĂŠ ce groupe d’inspiration très manouche. »
Assez rapidement, Absynthe Minded va se forger une petite rĂŠputation, et pas seulement dans les bars (qu’ils ĂŠcument sans relâche) comme son nom pourrait le laisser supposer. Bert: « C’est vrai, Ă la base, c’est ce qu’on ĂŠtait. Un groupe de bars. Ce nom, Absynthe Minded, ça ĂŠvoque pas mal de choses aux gens. On pense aux peintres, aux poètes des annĂŠes 30, Ă New York, Paris. On pense Ă l’inspiration, aux muses. » Après les premières demos de rigueur, le groupe passe aux choses sĂŠrieuses et publie un EP, History Makes Science Fiction en 2003, suivi de deux albums, Acquired Taste (2004) et surtout New Day (2005), qui va marquer le dĂŠbut du phĂŠnomène Absynthe Minded en Belgique. L’arme du crime? « My Heroics, Part One » (Bert insiste sur la dimension ironique du titre), ĂŠlue meilleure chanson de la dĂŠcennie par la radio flamande Studio Brussel – et qui figure en bonus-track sur le nouvel album pour ceux qui auraient manquĂŠ les ĂŠpisodes prĂŠcĂŠdents.
Après un nombre impressionnant de concerts – plus de 300 en trois ans, dont une tournĂŠe, en première partie de dEUS- et un troisième opus, There Is Nothing, publiĂŠ en 2007, les cinq musiciens ont pris le temps de peaufiner les douze chansons qui composeront Absynthe Minded. Fidèle Ă son processus de crĂŠation, Bert a d’abord ĂŠcrit les textes – en anglais - avant de composer les musiques dans le registre qui leur correspond le mieux. « Quand tu es sur la route, tu joues beaucoup, tu ĂŠcris de nouvelles chansons, tu travailles ensemble et cela donne des choses très intĂŠressantes, souligne-t-il. C’est vraiment la dynamique du groupe qui fait que je me sens un songwriter. » Son inspiration? « La vie, les gens autour de moi, ma famille. De grandes choses comme l’amour. Pour moi, les textes sont du domaine du subconscient. »
EnregistrĂŠ Ă Paris, au studio Ferber, avec la complicitĂŠ de Jean Lamoot (Noir DĂŠsir, Alain Bashung, Girls In HawaĂŻĂŻ), Absynthe Minded, transcendĂŠ par la remarquable osmose du groupe, joue Ă merveille des contrastes et des silences: chaque note apporte une touche de couleur, vient rehausser la mĂŠlodie, la portant Ă sa quintessence. D’oĂš l’impression assez vertigineuse qui ĂŠmane de ce disque, de son ouverture en mode swing – façon retour aux sources – (« If You Don’t Go, I Don’t Go ») Ă sa coda intimiste (« Oh! The Longing », une simple balade au piano). Ailleurs, « Multiple Choice » mĂŞle shuffle souterrain, rugissements d’orgue Hammond et couplets talking blues, avant de s’envoler, au dĂŠtour d’un refrain presque pop, vers des dissonances de guitare jazz/rock. L’entraĂŽnant « Mercury » et sa rythmique en cavale, introduite par quelques traits d’archet au violoncelle, succède Ă trois perles soft aux parfums dĂŠlicieusement boisĂŠs: le single « Envoi » (et son riff Ă la All Along The Watchtower), « Heaven Knows » Ă la rythmique alanguie, ĂŠvoquant le Dire Strait des dĂŠbuts, et au gimmick entĂŞtant (« You are, you are, you are my baby girl ») sans oublier « Dead On My Feet », petite merveille indie pop que Bert chante avec son ĂŠlĂŠgance habituelle. Sorti fin 2009 en Belgique, l’album a dĂŠjĂ valu au quintet 4 Music Industry Awards (les Victoire de la Musique belges) en janvier dont celui du meilleur album, du meilleur single (« Envoi ») et du meilleur groupe de rock indie.
Rien d’ĂŠtonnant. Au delĂ de sa dimension europĂŠenne, Absynthe Minded est de ces albums rares qui procurent un plaisir aussi immĂŠdiat que durable. Celui d’ĂŠcouter une musique fluide, organique, qui semble couler naturellement – pour tout dire, presque distraitement – de musiciens magnifiques qui ne trichent jamais. Ou alors, seulement sur un point: dans la vraie vie, Mister Ostyn est rĂŠsolument nul au Rubik’s Cube. « C’est juste une pose de rock star, avoue-t-il en riant. Enfin… très, très subtile. »