Meuh, non ! Qu’allez-vous inventer là ? C’est le grand amour. Même que le 1er ministre s’est fendu hier d’une déclaration la main sur le cœur lors de la séance des questions au Sénat. C’est qu’il est drôlement content d’être en permanence rabaissé, d’avaler force couleuvres dès le petit-dej et n’être mis en avant que pour être envoyé au casse-pipe comme ce fut le cas la semaine dernière pour la dernière ligne droite des élections régionales perdues d’avance. En plus, il doit être super-ravi de lire à tous les détours d’articles que Sarko envisage de le dégommer en 2011, après s’en être servi juste pour faire passer la réforme des retraites.
Il se dit, non sans doute sans raison, qu’il souhaitait un remaniement ministériel plus large. Nicolas Sarkozy ne voulant que des rustines. C’est donc la tendance cautère sur une jambe de bois et Tricostéril sur une plaie béante qui l’a emporté. Certes, Sarko aurait pu demander à François Fillon de présenter sa démission et choisir quelqu’un d’autre comme 1er ministre. Mais, à lire un article fort intéressant sur 20 minutes Nicolas Sarkozy, François Fillon, deux hommes, quatre scénarios, cette hypothèse aurait grandement desservi Nicolas Sarkozy.
En effet, selon le politologue Jean-Luc Parodi chercheur associé au Cevipof – qui à ma connaissance dépend de Sciences-Po Paris – Nicolas Sarkozy s’irriterait de la cote de popularité de François Fillon lors même que la sienne continue sa chute libre. Or, le remède serait pire que le mal. Non seulement ce serait un aveu d’échec mais plus encore, en renvoyant un premier ministre – à qui au demeurant il impose toutes ses décisions bon gré mal gré – qui est désormais mieux accepté que lui dans l’électorat de droite, non seulement il verrait encore davantage chuter sa cote de popularité mais François Fillon deviendrait, sans l’avoir voulu «un président de réserve» autrement acceptable :
«Moins bling-bling, moins méprisant que Nicolas Sarkozy, François Fillon incarnerait une «version acceptable de la politique de droite», susceptible de ratisser large. Bref, virer Fillon, une décision synonyme de double balle dans le pied pour Nicolas Sarkozy». Ce scénario est peu crédible pour J-L Parodi : 5 % de probabilités.
Deuxième hypothèse : François Fillon décide de démissionner et se “mettre en réserve de la République” comme Pompidou après Mai 68 pour avoir quelques chances d’être élu président de la République. Selon Parodi, ce scénario – 20 % de probabilités – n’aurait pas été envisageable si Nicolas Sarkozy n’avait cessé depuis 2007 d’humilier et rabaisser sans cesse son Premier ministre. Il devrait toutefois s’attendre à ce que ses rivaux potentiels – Xavier Bertrand et Jean-François Copé – qui pour l’instant se gardent bien de sortir du bois ! du moins pas tant que les mouches n’auront pas changé d’âne… lui savonnent la planche à qui mieux-mieux.
Troisième scénario qui semble a priori le plus probable (70 %) François Fillon restant à Matignon pour mettre en œuvre la réforme des retraites dont on sait qu’elle lui tient particulièrement à cœur. Tout en sachant que Nicolas Sarkozy se débarrasserait volontiers de lui après pour préparer l’élection présidentielle… Encore faudra-t-il qu’il trouvât un Premier ministre qui ne devienne pas rapidement aussi UM/Populaire que lui.
J’ajouterais que précisément la réforme des retraites satisfera à l’évidence un certain nombre d’électeurs de droite mais que Sarko qui n’a cessé de décevoir les vieux – son cœur de cible électoral - par sa politique sociale en matière de soins et en s’attaquant à l’hôpital qui est le service public le plus fréquenté par les personnes d’un certain âge, ne mesure pas le risque qu’il prend en s’attaquant de plein front aux retraites.
Non seulement les cinquantenaires qui sont proches de la retraite commencent à être exaspérés mais également les personnes plus âgées qui voient que leurs enfants nés dans les années 1950-1960 risquent de beaucoup y perdre.
De surcroît, s’agissant toujours de service public, la dégradation de La Poste est un facteur non négligeable du désamour des personnes âgées. C’est un truisme d’affirmer que pour beaucoup d’entre elles qui sont isolées – à la campagne ou même en ville – le facteur est souvent la seule personne à qui elles parleront de toute une journée. Or, bien souvent les tournées ont été totalement désorganisées, la distribution du courrier n’est plus faite par la même personne selon les jours.
A la campagne, les facteurs/trices profitaient très souvent de leur tournée pour ramener du pain, les médicaments, etc. Il paraît que ce n’était pas réglementaire mais cela leur importait peu. En plus, la rationalisation des tournées s’est accompagnée d’un chronométrage serré. Donc, plus moyen d’accepter un café et de parler même cinq minutes.
Enfin, dernière hypothèse : Nicolas Sarkozy garderait son 1er ministre jusqu’au terme de son quinquennat. Probabilité : 35 %. Continuité et stabilité, histoire «de tordre le cou à ceux qui moquent son agitation perpétuelle»… Tout cela dépendrait de l’usure ou non de François Fillon ainsi que de la manière dont il sera sorti plus ou moins brillamment de la réforme des retraites, sachant que c’est encore Nicolas Sarkozy qui imposera ses vues, “portera le projet”…
En outre, cela reviendrait à accorder un satisfecit global au gouvernement, donner à l’opinion publique l’impression que «l’ensemble de l’équipe sortante est à réélire, dont le populaire Fillon» - à condition toutefois qu’il le reste. Nicolas Sarkozy serait-il près à se faire ainsi voler la vedette s’il décide de se représenter en 2012 et quid encore plus si d’aventure François Fillon se présentait contre lui ?
Quand on vous répète que les relations entre les deux hommes sont plus qu’au beau fixe ! Lune de fiel garantie. Installons-nous bien commodément pour ne rien perdre du spectacle quelque fût le scénario du film qui nous sera donné à voir. Soyons certains que ce sera du gratiné. Il peut se passer tant de choses en un peu plus de deux ans… Qui aurait cru, en septembre dernier, que l’UMP prendrait une telle pâtée ?
J’ai bien rigolé hier soir en entendant Dominique Paillé se plaindre de l’offensive de Villepin contre Sarko – qu’il s’est bien gardé de nommer au demeurant – et dire qu’il était animé par la seule «volonté de nuire»… Qu’il réfléchisse à deux fois aux raisons qui poussent Dominique de Villepin à se poser en grand rival de Nicolas Sarkozy. Principe de causalité : une action, surtout mauvaise ! entraînant toujours des conséquences.
Il m’est évident que Dominique de Villepin se délecte et savoure sa revanche. Nicolas Sarkozy s’était mis bille en tête de faire tomber son rival potentiel – non point tomber mais «accrocher au croc de boucher» - et s’est plus qu’acharné. Aujourd’hui, il doit payer cash. Intérêts compris.