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Il y aurait des vrais et il y aurait des faux selon certains. C’est-à-dire ceux qui ont vécu bagay la et ceux qui ne l’ont pas vécu. Ceux qui ont quitté dans les premiers jours et ceux qui sont restés. J’ai entendu ce genre de commentaire de la bouche de plusieurs personnes. Il y a cette distinction là dans les discussions de machine à café : ‘T’étais là ? Tu as été rapatrié ? T’es resté ?’ Sur le retour de Jacmel cette semaine, ma collègue me racontait que son conjoint (à l’étranger le 12 janvier, mais revenu deux jours plus tard, ses bistouris n’en pouvant plus de l’attendre) avait ce sentiment mitigé de ne pas avoir vécu le grand brouhaha. Une certaine culpabilité liée à son absence auprès de ses proches et de sons pays, mais également un sentiment ‘de ne pas faire partie de la gang’. Comme si l’aventure et les premières semaines qui ont suivi avaient soudé une ‘communauté de bagay la’. Encore aujourd’hui, j’entends ce genre de remarques sur des pseudos-vrais et des pseudos-faux. On a même mis en vente un chandail où il est écrit Mwen te la (j’étais là). J’avoue, je l’ai acheté… On vient donc d’inventer une nouvelle classe sociale, une nouvelle couleur de peau dans un pays où les distinctions entre noirs, blancs et gens de couleurs (les mulâtres, ceux qui ne sont ni noirs ni blancs) ont été et sont toujours tellement prégnantes dans la vie sociale.