Bien le bonjour, les plantigrades connectés
L’autre jour, alors qu’on relisait Platon dans le texte confortablement installé dans la litière à chat, le téléphone sonna. C’était une copine, en proie au plus grands des tourments. «IL EST LÀ. IL EST LÀ. IL EST LÀÀÂÀ», crachotait-t-elle dans le combiné. «Oui très chère, mais encore?», lui répondit-t-on, suavement. «IL EST LÀ. IL EST LÀ. IL EST LÀ. JE l’AI VU. JE l’AI VU. JE l’AI VU. JE l’AI VU. L’AAAAAA…» La fin de la phrase se perdit dans un inintelligible gargouillis, évoquant le dernier refrain de Claude François au fond de sa baignoire. Notre interlocutrice était vraiment toute chose. «L’A… L’A… L’AAAA», ânonnait la maheureuse encore et encore. On essaya de la calmer, en lui proposant de respirer à fond avec les deux poumons. Une vieille technique asiate. Au bout de vingt minutes, elle finit en effet par retrouver ses esprits. Et par articuler: «IL EST LÀ. JE l’AI VU. L’A… L’A… L’A… L’AIL DES OURS.»
On raccrocha illico, vaguement ébranlé. L’affaire était grave. Le printemps avait donc fini par arriver.
L’ail des ours était de retour.
Le soir même, on échafaudait des lasagnes d’agneau à l’ail des ours, qui connurent, avouons-le sans fausse modestie, un succès colossal.
Pour deux gulus qui ont grand faim, il faut se munir de 180 grammes de mascarpone, 400 grammes d’épaule d’agneau, un bouquet d’ail des ours, du parmesan râpé, une carotte, un petit fenouil, du kamoun (soit du cumin en poudre), un peu de concentré de tomate, une grosse échalote, des graines de fenouil, des lasagnes achetées dedans le commerce (on pourrait faire ça maison, mais parfois, voyez-vous, la flemme gagne la partie) et c’est tout. Ou presque.
Pendant que l’agneau glougloute, lavez et ciselez l’ail des ours, avant de le mélanger au mascarpone avec trois bonnes pincées de parmesan. Sel, poivre. On goûte. On se pâme. Ou pas.
Huilez mollo le fond d’un plat à gratin, puis montez votre échafaudage en commençant par des plaques de lasagne, puis une mince couche de viande bien mouillée, une couche de mascarpone et ainsi de suite jusqu’à épuisement des matières premières. Achevez ce prodigieux édifice avec des feuilles de lasagne ointes de mascarpone et coiffées de plein de gruyère râpé.
Et après? Ben, après c’est grountch grountch.
Il s’agit évidemment de ne pas rester la glotte sèche à table (c'est pécher), en se l’humectant, par exemple, avec un gamay corsé, mûr et droit dans ses bottes; un gamay pinotant en diable, pas franchement rigolard mais assez classe; soit le Morgon Côte de Py «James» de Jean-Marc Burgaud. Enfin, on dit ça…
Veuillez agréer, bla bla bla