Comment réagiriez-vous si votre père, celui que vous pensiez ouvert d'esprit et tolérant, se révélait odieux et raciste ? Simplement parce qu'il annonce à table que son amoureuse s'appelle Djamila, Damien voit son monde s'effondrer. " Tu sais, moi, les Arabes, je les aime beaucoup à la télé, surtout dans un match de foot de l'équipe de France, mais pas trop chez moi." Bonjour l'ambiance ! Aux yeux de Damien, rien n'excuse les paroles blessantes du père. Sa mère a beau le défendre et accuser le mauvais revers rencontré depuis la faillite de l'entreprise familiale, son père n'est qu'un pauvre type, il a baissé les bras et, sous prétexte qu'il se fait honte, a adopté l'attitude du loser de première. C'est un fait qui écoeure notre lycéen, lui l'élève brillant qui s'offre des joutes verbales de haute volée avec sa prof de français. Et lorsque son père est renversé par une voiture, après une énième altercation avec les siens, Damien se sent responsable et coupable de nourrir des sentiments aussi exacerbés.
L'adolescence dans toute sa superbe ! Damien est à un âge où chaque cause mérite qu'on la défende à cor et à cri. Les émotions sont à fleur de peau. Les élans du coeur passionnés et passionnels. Pas de place pour la demi-mesure. Damien aime et déteste à la puissance 1000. Toute cette histoire - en plus des terribles révélations qui suivront le coma du père - le force à s'arracher douloureusement du cocon de l'enfance en plongeant dans des secrets de famille qui ébranlent ses convictions, les liens entre père et fils sont recalculés, les vérités sont-elles bonnes à dire ou à entendre ? Même Djamila, la petite copine, y va de sa confidence... Un mal difficile à cadrer dans l'histoire, à mon goût. C'est mon seul bémol, le sentiment que le récit assume soudainement trop de responsabilité alors que le roman est court, moins de 130 pages, et la boucle est bouclée.
Le roman est une course perpétuelle de savoir et de révélation, une quête de la vérité qui ne laisse pas indemne. La lecture invite à réfléchir et à se poser des questions sur ce qui nous lie, en famille ou en amour, en amitié aussi. Je ne m'y attendais pas du tout en l'ouvrant, alors que je jetais un oeil aux premières lignes, je me suis vue plonger dans le livre sans pouvoir me l'arracher des mains. Paf, j'étais dedans, complètement scotchée. J'ai aussi beaucoup apprécié le style de l'auteur, même si c'est peu probable d'imaginer un adolescent employer de si belles envolées lyriques. Un très bon livre de la collection Rat Noir chez Syros (une collection qui offre souvent de plaisantes découvertes).
Personne n'est parfait ~ Patrick Mosconi
Syros, coll. Rat Noir, 2010 - 128 pages - 10,20€
illustration : Olivier Balez