Magazine Bourse

Bourse et PME : des prérequis à respecter

Publié le 26 mars 2010 par Jblully

Bourse et PME : des prérequis à respecter

Nouvelle réunion de place hier à Bercy pour lever les obstacles à la cotation en Bourse des PME-ETI, avec en arrière plan le projet européen de Small Business Act de droit boursier. Diverses mesures techniques ont été annoncées, qui visent toutes à accroître le nombre de PME cotées à Paris (environ 400 aujourd’hui) et surtout leur permettre de lever davantage de capitaux. L’intention est louable, l’efficacité des outils retenus plus douteuse.

Comme l’explique le message d’invitation à la manifestation : « Le financement des PME et ETI est au cœur de la politique économique du Gouvernement. Les marchés ont un rôle à jouer dans ce domaine ». De fait, c’est bien en Bourse que les entreprises devraient trouver les fonds propres dont elles ont besoin. Malheureusement, ce n’est pas le cas en France, comme d’ailleurs dans la plupart des pays occidentaux. Depuis une dizaine d’années, le nombre d’entreprises cotées baisse (environ -30% à Paris) et surtout le financement net des entreprises par les marchés est devenu négatif (le total « dividendes + rachats d’action » est supérieur aux augmentations de capital). Très clairement, la balance coûts/avantages d’une cotation est devenue défavorable au fil des années et les entreprises ont voté avec leurs pieds, en sortant de la côte ou en n’y entrant pas pour les nouvelles.

Comme il n’y a pas trente six façons d’augmenter les fonds propres des entreprises (en dehors de l’autofinancement), la démarche des pouvoirs publics visant à rééquilibrer cette balance coûts/avantages est logique et même louable. Reste que les solutions avancées (adaptation partielles des règles boursières aux spécificités des PME, encouragement aux investisseurs institutionnels à aller sur le marché des PME cotées, promotion de la cotation auprès des dirigeants de PME etc.) sont loin de lever tous les obstacles. En fait, la principale critique que l’on peut faire à la démarche publique est d’aborder la question du point de vue des financiers (et de leurs intérêts) et de délaisser celui des chefs d’entreprises. Pourtant, le pré-requis pour toute introduction en Bourse est bien que le chef d’entreprise le veuille, parce qu’il y voit un intérêt pour l’entreprise ou lui-même. Aujourd’hui, ce pré-requis n’est pas rempli.

Deux récents Rapports de la CCIP, en lien avec cette problématique, ont pointé deux explications majeures à la réticence des chefs d’entreprises à aller en Bourse :

  • La première explication tient à la volonté de nombreux dirigeants d’entreprises de garder le contrôle de leur capital et, ce qui va avec, la maîtrise de leur stratégie. C’est, en particulier, le cas pour ce qu’on appelle les entreprises patrimoniales, qui tendent à privilégier le maintien de l’actionnariat familial à toute autre considération. Une augmentation du capital, qui se traduirait par une remise en cause du pouvoir de contrôle de la famille est, par avance, repoussée. Il faut donc offrir au chef d’enterprise des garanties que l’ouverture de son capital ne menacera pas sa position ;
  • La seconde tient à de mauvaises expériences passées. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit l’adage populaire. Parce qu’on a trop souvent vu, dans les introductions en Bourse, de lucratives opérations financières (pour les introducteurs), de nombreuses PME ont été incitées à se faire coter en leur faisant miroiter les avantages (levées de fonds importantes, valorisation du patrimoine des actionnaires historiques) et en dissimulant les contraintes (coût annuel de la cotation, contraintes d’information, risques liés à la mise sur le marché d’une part importante du capital, etc.). Bien évidemment, les avantages sont immédiats et les inconvénients… pour la durée de la cotation. Ceux qui ont été piégés une fois ont bien juré qu’on ne les y reprendrait plus. En fait, l’introduction en Bourse impose au chef d’entreprise une véritable culture financière, en particulier de communication. Il faut aussi savoir tirer parti d’une cotation et ne pas se limiter à un one-shot.

Au total, un financement des entreprises par la Bourse est sûrement souhaitable, mais pas à n’importe quelle condition. Il faut impérativement le concevoir en fonction des intérêts des entreprises et non pas des seuls financiers. Il faut aussi entendre la volonté de l’économie réelle de rééquilibrer ses rapports de force avec l’économie financière. Si la crise servait à redonner du prix au long terme, elle n’aurait pas été totalement inutile !


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jblully 186 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog