source et photo : Belfond
RÉSUMÉ : De la City londonienne et du Paris mondain de la Belle Époque aux palais vénitiens de la moitié du XIXe siècle, un roman magistral, porté par une construction éblouissante et une érudition -aux troublantes résonances contemporaines. A la fois drame financier, roman d'espionnage et tragédie amoureuse, le nouveau tour de force littéraire d'Iain Pears, dans la droite ligne du Cercle de la Croix.
Londres, 27 mars 1909. Lord Ravenscliff, né John Stone, célèbre industriel et marchand d'armes, tombe depuis la fenêtre de son bureau. Accident ? Meurtre ? Suicide ? Convoqué par la veuve de Stone, Elisabeth, de vingt-cinq ans sa cadette, le journaliste Braddock se voit charger d'une étrange mission : retrouver l'enfant caché de Stone. Une enquête en terrain miné, entre hautes sphères de la finance internationale et clubs d'anarchistes, sur les traces d'un homme et de son épouse au mystérieux passé...
Paris, 1890. C'est en tant que comtesse hongroise qu'Elisabeth tient un des salons les plus courus de la capitale. Confident de cette courtisane pleine d'ambition, l'espion britannique Cort assiste au rapprochement d'Elisabeth et de Stone. Les débuts d'une tumultueuse histoire d'amour au coeur d'un monde régi par le pouvoir de l'argent... Mais Elisabeth a-t-elle jamais su toute la vérité sur son mari ? Lui a-t-il tout dit de ses jeunes années à Venise, en pleine montée du spiritisme ? Quels secrets Stone a-t-il emportés avec lui dans sa chute ?
MON APPRÉCIATION : Voici donc la "méchante" critique sur laquelle je bloque depuis plus d'une semaine. Je n'arrive pas à écrire sur ce roman de manière satisfaisante, mais comme IL FAUT que j'en parle (parce qu'il est vraiment bon), contentons-nous de ce qui va suivre.
On a affaire ici à une oeuvre littéraire de grande qualité; j'en lirais des douzaines, des romans comme celui-là! Le matériau de ce roman est dense. En effet, les sujets abordés par Iain Pears sont loin d'être faciles, haute finance internationale et espionnage au début du siècle dernier. Mais il le fait avec une telle poésie que ces sujets à priori rébarbatifs en acquièrent une beauté et une noblesse insoupçonnées aux yeux du lecteur. De plus, sa manière de raconter les choses est si intime que vous avez l'impression d'être assis avec lui dans un fauteuil confortable, au coin du feu et qu'il vous murmure des secrets à l'oreille.
Les personnages principaux sont fascinants, particulièrement étoffés et complexes, aux prises avec un passé mystérieux et d'innombrables secrets. John Stone, devenu Lord Ravenscliff, est un financier, intelligent et retors, mais non dénué de sentiments, annonciateur de ces "self made men" caractéristiques du XXe siècle. Mais la plus captivante, sinon la moins sympathique, est son épouse Élisabeth. Celle-ci semble être l'archétype de la femme fatale, semant derrière elle tous les hommes qu'elle a charmés et abandonnés, pour atteindre le sommet. Tous deux ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins et protéger ce qu'ils ont durement acquis.
Une grosse part de la fascination que j'ai ressentie vient aussi du fait que l'auteur s'est attaché à décrire les clivages qui se sont instaurés entre le règne victorien et notre période contemporaine. On assiste à la fin d'une époque où l'honneur et la naissance primaient et à l'avènement d'une nouvelle ère, où l'argent mènera le monde. Le roman se divise en trois récits qui s'emboîtent et viennent expliquer, à rebours, les raisons de la chute de John Stone. La troisième partie est la plus triste et c'est la seule chose que je pourrais reprocher à ce roman, même si la boucle y est bouclée. Mais ce roman est tellement plus aussi! Je suis sûre que si je le relisais, je découvrirais encore plein d'autres choses. C'est mon premier gros coup de coeur de l'année! Belfond, 2009, 606 pages.