photo: Guillaume Paumier
Le même jour, deux présidentiables s'expriment dans des cadres différents mais adoptent une attitude commune sur le "non aveu" de candidature. Comment comprendre ce décalage entre la culture française et la culture américaine en la matière ? La déclaration de candidature, c'est un faire part de naissance. Comment une naissance non désirée, incertaine (tantôt oui tantôt non), cachée pendant longtemps, qui serait d'abord le fruit des circonstances pourrait-elle être belle ? Ce parallèle met en évidence les incohérences qui accompagnent les faux mystères de candidatures.
Aux Etats-Unis, dès qu'un candidat est sur la ligne de départ, il l'annonce. C'est la fête car un nouvel espoir s'ouvre. Il s'organise en conséquence. Puis, si la campagne patine, il se retire, se rallie. Mais la démarche est claire, transparente. En France, la tradition est contraire. Le candidat est sur la ligne de départ mais il annonce le contraire. Le jour où il officialisera sa candidature, c'est qu'il ira jusqu'au bout du scrutin. Cette démarche induit deux conséquences directes.
D'une part, c'est un rapport tronqué avec la vérité. N'est-ce pas là le changement majeur attendu par l'opinion : qu'on lui dise enfin la vérité ? D'autre part, c'est un rapport difficile avec les indécis. Pourquoi faudrait-il s'engager auprès d'un candidat tant qu'il ne sait pas lui-même ce qu'il veut réellement faire ? Nicolas Sarkozy dès 2005 avait eu le mérite de casser ce code du "faux mystère". C'est étonnant que des candidats comme Ségolène Royal ou Dominique de Villepinn hésitent à ce point à casser les codes en la matière. C'est une hésitation d'autant plus étonnante qu'elle ouvre le débat sur les véritables messages du 21 mars 2010.
Pendant de nombreuses années, il fut question des leçons du 21 avril 2002 avec ce second tour de la présidentielle et la qualification du FN. Le 21 mars 2010 est une forme comparable d'électrochoc. Mais encore faut-il identifier la zone de l'électrochoc ? Réside-t-elle dans la sanction d'un Gouvernement lors d'un scrutin intermédiaire ? Non, car une telle sanction est tellement commune. Elle réside dans le cumul des voix qui veulent sanctionner le système politique selon des expressions diverses : abstention + votes des partis qui veulent casser les codes à l'exemple d'Europe Ecologie.
Ces comportements passent des messages forts :
1) une part importante de l'opinion ne "veut plus jouer". Les règles sont refusées, celles qui voudraient que la parole politique n'engage pas, bref qu'elle ne vaudrait rien.
2) la lassitude face à l'uniformité politique. Ils ont toujours réponse à tout mais ne solutionnent rien. La classe politique traditionnelle est composée d'huissiers de la politique (costumes sombres et mines sévères). Quel plaisir de casser ces codes avec la bonne humeur pétillante d'un Cohn Bendit ou la fraîcheur de Duflot. Ils ne donnent ni le sentiment de ne pas connaître la crise économique ni de "se prendre pour un autre".
3) Assez de promesses : des solutions ! Voilà probablement les véritables messages du 21 mars 2010.
Ces messages préparent peut-être un autre 21 avril mais cette fois PS + écolos au deuxième tour ? L'envie de gauche pousse ce qui est d'ailleurs techniquement compréhensible. La droite est au pouvoir depuis 1995 déjà, ce qui est une longue séquence temps dans une démocratie moderne. Quant aux écolos, ils incarnent le rejet du système mais sans la haine de l'autre qui inquiète dans l'expression de l'extrême droite. L'enjeu stratégique est donc de remettre du "parler vrai" au centre du discours politique.
Comment y parvenir quand un responsable politique dégage à ce point le sentiment de ne pas accepter cette nouvelle règle appliquée à son propre comportement ?