4. Adressons aussi la parole à ceux qui jugent la terre dans le sens connu et populaire du mot. Les rois, les gouverneurs, les princes et les juges proprement dits, jugent la terre; chacun d'eux la juge d'après les fonctions qu'il y a reçues. Or que signifie juger la terre, sinon juger les hommes qui l'habitent? Si par la terre tu n'entendais ici que celle que nous foulons, c'est aux cultivateurs qu'il aurait été dit: «Vous qui jugez la terre.» Mais si ce sont les rois et ceux qu'ils délèguent qui jugent la terre, qu'ils s'instruisent eux-mêmes. Ici encore la terre juge la terre, et doit craindre celui qui la juge au ciel. Car elle juge un égal, l'homme juge un homme, le mortel un mortel, le pécheur un pécheur. Et si cette divine sentence venait à se faire entendre tout-à-coup: «Que celui qui est sans péché jette le premier une pierre contre elle,» quiconque juge la terre ne tremblerait-il pas?
Rappelons ce trait de l'Évangile.
Les Pharisiens, pour tenter le Seigneur, amenèrent devant lui une femme surprise en adultère. Contre ce péché une peine avait été décrétée, par la Loi, je veux dire par la loi de Moïse, le serviteur de Dieu (1). Voici donc quel était le dessein perfide et trompeur des Pharisiens en s'approchant du Seigneur. Si Jésus commandait de lapider cette femme convaincue, il perdrait sa réputation de douceur, et s'il défendait d'appliquer le châtiment ordonné par la Loi, il serait convaincu d'avoir péché contre la Loi.
Mais qu'arriva-t-il? Lorsqu'ils demandèrent s'il fallait payer le tribut à César, ils furent pris dans leurs propres paroles. Car le Sauveur leur demanda de son côté à qui appartenait la monnaie, de qui elle portait l'imagé et le nom; et ils répondirent que c'était de César. «Rendez donc à César ce qui est à César, conclut-il d'après leur aveu, et à Dieu ce qui est à Dieu (2).» Ainsi nous avertissait-il que l'homme doit rendre à Dieu l'image de Dieu qu'il porte en lui-même, comme en payant le tribut on rend à César sa propre image. Il interrogea de la même manière ceux qui le questionnaient à propos de la femme adultère, et il jugea ses juges. Je n'empêche pas, dit-il, de lapider cette femme, conformément à la Loi; mais qui le fera? Je ne résiste pas à la Loi, je cherche un ministre qui l'applique. Enfin, écoutez: Vous voulez lapider comme la Loi le prescrit? «Que celui qui est sans péché jette le premier une pierre contre elle.»
1. Lv 20,10 - 2. Lc 20,22-25
5. En entendant les Pharisiens, il écrivait sur la terre pour instruire la terre; et en leur parlant comme il fit, il releva les yeux, regarda la terre et la fit trembler. Il se remit ensuite à écrire sur la terre, et eux, confus et tremblants, se retirèrent l'un après l'autre. Quel tremblement! Il a fait changer de place à la terre!
Donc, pendant que les accusateurs s'éloignaient, le Sauveur resta seul avec la pécheresse; c'était le Médecin avec la malade, la miséricorde avec la misère. Regardant alors cette femme: «Personne, dit-il, ne t'a condamnée? - Non, répondit-elle.» Mais elle était inquiète. Les pécheurs, n'avaient pas osé la condamner, ils n'avaient pas osé lapider cette pécheresse, parce qu'en se considérant eux-mêmes ils ne s'étaient pas trouvés moins coupables. Cependant elle courut encore un grand danger, car elle avait pour juge Celui qui était sans péché. «Personne, lui dit-il, ne t'a condamné? - Personne, Seigneur,» et si vous ne me condamnez pas non plus, je suis tranquille. Et pour la calmer aussitôt, «Non, reprit le Seigneur, je ne te condamnerai pas non plus (1).» Ni moi, quoique je sois sans péché, je ne te condamnerai pas. La voix de la conscience a forcé tes accusateurs à renoncer à te punir: le cri de la miséricorde m'inspire de venir à ton secours.