- « Le grand Chelem n’est pas possible ».
- « Nous ne sommes qu’à la mi-temps du match ».
- « La réalité c’est que Lyon a gagné le match. L’élection régionale, c’est pareil ».
Ce ne sont ni Laurent Blanc, ni Raymond Domenech, ni Marc Lièvremont qui ont prononcé ces phrases mais les nouveaux héros de la politique française, avec dans l’ordre Martine Aubry, Rama Yade et Frédéric Lefebvre.
Coachés par des spin doctors et autres professionnels de la communication recherchant la performance maximale de chaque seconde d’antenne, ces politiques d’un nouveau genre ont compris que pour être entendus, pour être écoutés, ils devaient parler le langage de la rue, du vestiaire, de la machine à café.
Alors quels sont les événements qui ont précipité ce glissement lexical? (par Julien, http://combuzz.wordpress.com/)
1. L’élection de Jacques Chirac en 1995 et la fracture intellectuelle
Si dans l’esprit de Chirac la fracture sociale était avant tout économique, cette fracture était également intellectuelle. Le peuple ne comprenait plus ses élites, n’adhérait plus aux discours des technocrates coincés, répétant des formules fumeuses et abstruses apprises sur les bancs de l’ENA.
Au milieu de ces grosses têtes se distinguait un candidat: Jacques Chirac, « Chi-Chi », celui que les Guignols de l’info caricaturaient en homme simplet, bon qu’à boire de la Corona, serrer des mains et manger des pommes.
Et cette supposée limite intellectuelle qui le rendait sympathique et accessible (par opposition aux ultra sérieux Jospin et Balladur), allait l’aider à remporter les élections contre toute attente. Car ce n’était ni le meilleur candidat, ni le favori des médias: pour preuve la plupart de ses soutiens l’avaient abandonné au profit de son rival, Edouard Balladur.
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les deux étoiles montantes de l’époque, à droite le cérébral Alain Juppé, à gauche l’hypertrophié du cerveau Laurent Fabius ont tous deux dit adieu à la présidentielle pour les mêmes raisons qui firent perdre Balladur et Jospin : trop intellectuels, trop rigides de l’hémisphère droit.
2. La victoire des Bleus en Coupe du monde de football en 1998
Le triomphe des Bleus marque l’avènement du sportif roi, des contrats millionnaires et des orgies marketing : on invite ces golden boys du sport partout, Chirac les décore, leur tape dans le dos : « Marcel », « Zizou », « Didier » font désormais partie de la longue liste de ses amis.
A partir de cette date, le football et le sport en général envahissent nos télés, nos journaux, nos radios et même la politique. Les partis se battent pour recruter à tours de bras d’ex champions, persuadés que leur aura et leur notoriété rejailliront sur eux : David Douillet, Jean-François Lamour, Jean-Claude Killy, Vikash Dhorasoo, Basile Boli, Laura Flessel, Salim Sdiri, Myriam Lamare, Chantal Jouanno, Gwendal Peizerat etc seront ainsi récupérés, leur codes et langage phagocytés.
Et il est fort à parier que 2012, année de Tournoi des VI Nations et du Championnat d’Europe de Football ne dérogera pas à la règle.
Les fameux « les électeurs nous ont adressé un carton jaune, mais nous sommes toujours en course », « ce n’est que la première mi-temps », « c’est au coup de sifflet final que l’on compte les buts » ont encore de beaux jours devant eux.