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Une peuplade mystérieuse, les Lacandons

Par Choupanenette

Ce sont des Indiens qui vivent dans le sud du Mexique. Ils proclament fièrement que leur race existe depuis la création du monde. Cette orgueilleuse affirmation est peut-être excessive. Mais on a tout au moins la certitude, grâce à de rares indices recueillis par les explorateurs, que le race des Lacandons était nettement antérieure à celle des premiers Aztèques.
Si les renseignements concernant les Lacandons sont parcimonieux, c'est parce que leurs tribus sont farouchement hermétiques. Tous les essais faits par les étrangers pour parvenir au centre des agglomérations, pour en étudier les moeurs et l'origine, se sont heurtés à l'hostilité menaçante des indigènes.
Les Lacandons se sont montrés rebelles à toutes tentatives de séduction. Ils ont repoussé dédaigneusement l'offre de divers présents et notamment celle de magnifiques fusils de chasse. Ils préfèrent se contenter de leur arme favorite : la sarbacane, qu'ils utilisent avec une adresse diabolique.
L'étranger qui se montre trop entreprenant court le risque de recevoir dans la nuque, projetée invisiblement par la sarbacane, une longue épine ou une mince fléchette, enduite d'un poison végétal qui ne pardonne pas.
Deux sujets Britanniques, John Kilmore et Evans Bromfield partis avec la ferme intention de pénétrer au coeur de la peuplade, ne revinrent jamais de leur expédition.
On sait également qu'en certains endroits où la forêt est particulièrement compacte, où le chemin doit être péniblement tracé à la hachette s'élèvent des temples millénaires où sont honorés les antiques dieux aztèques.
Au moment de la saison des pluies, les Lacandons s'y réunissent et chantent pendant des jours et des jours des sortes de cantiques qui datent des époques où les Amériques étaient encore des terres vierges.
On a prétendu que le pratique des sacrifices humains persistait encore dans ces monuments religieux et qu'une jeune fille y était immolée tous les douze mois. Mais la réalité de cette monstrueuse pratique n'a jamais pu être vérifiée.
Et cependant, si paradoxal que cela puisse paraître, les Lacandons ne sont pas sans entretenir des relations régulières avec les blancs. Mais ce sont des relations d'ordre... commercial.
La période des pluies terminée, les indigènes "saignent" les arbres. De ces blessures coule le latex, le "chicle" servant à divers usages, mais surtout à la fabrication du chewing-gum, dont nos amis des Etats-Unis font une consommation considérable (cent trente plaquette en moyenne par an et par personne).
Leur récolte terminée, les Lacandons l'apportent à la limite de leur territoire où elle est prise en charge par les émissaires des compagnies nord-américaines. Ces derniers remettent aux Indiens des produits alimentaires qui leur permettront de subsiter jusqu'à la récolte suivante. Pas de conversation. Pas un mot. La livraison terminée, les Lacandons rentrent silencieusement dans leurs foyers.
Peuplade mystérieuse comme on le voit, peuplade qui se refuse à s'assimiler notre civilisation. Mais les Lacandons ne font-ils pas ainsi preuve de sagesse en s'inspirant, sans le connaître sans doute, du vieil adage : "Pour vivre heureux, vivons caché".

F. ESTEBE - Article de 1951


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