Roman - 430 pages
Editions Actes Sud - Janvier 2009
Traduit de l'anglais (Nigeria) par Charlotte Woillez
Prix Wole Soyinka 2006
Une vie, c'est des matins heureux et des journées tragiques, des rencontres et des deuils... Une vie de femme, c'est les rêves d'amour et de maternité, mais aussi les révoltes contre les injustices sociales, contre les volontés familiales machistes. Une vie de femme nigériane, c'est tout ça multiplié par dix, c'est le contexte politiques des coups d'état à répétition, le désordre post-Biafra. C'est les pressions religieuses musulmanes et catholiques, et heureusement, l'espoir indéfectible. Enitan est une jeune fille promise à une carrière d'avocate, comme son père. Divorcés, ses parents s'évitent et sa mère sombre dans l'obscurantisme religieux sectaire. Enitan fait la connaissance de Sheri, jeune métisse effrontée, provocante, libre, élevée par sa grand-mère. Malgré les réticences des parents d'Enitan, les deux
filles, puis les deux femmes, ne se perdront jamais de vue. Malgré leurs vies respectives, malgré le drame qui s'abat sur Sheri, ces deux femmes, fortes, courageuses, affrirmées, traverseront non sans mal les décennies de 1970 à 1995.
Sefi Atta, avec Le meilleur reste à venir, a réussi là un excellent premier roman. Une lecture aux accents intenses, tragiques et lumineux à la fois. Il y a de la lumière, il y a des drames qui nouent le coeur, il y a des odeurs et la chaleur des plats épicés mijotés. A travers les décennies on suit le destin des deux femmes, on se réjouit quand elles se relèvent de difficultés, et on accuse le coup lorsque de nouvelles tragédies inattendues bouleversent leurs vies. Enitan partira étudier en Angleterre, mais elle reviendra au Nigeria y travailler en tant qu'avocate, et retrouvera son amie Sheri, une Sheri différente, mariée à un homme polygame, elle qui était l'insoumise par excellence. Mais ce qu'elle a subi lors de sa jeunesse avait douloureusement compromis son destin. Enitan, après de multiples échecs amoureux, se mariera, non sans réticences familiales, à un homme divorcé. Une fois mère, elle n'abandonnera pas son combat pour la Justice, et, son père étant en prison, elle luttera de plus belle, au péril de sa vie.
Et c'est avec ces personnages bien campés que l'on traverse aussi l'Histoire contemporaine du Nigeria, sans lourdeur de la part de l'écrivain, mais sans l'ignorer. Très pédagogique.
Au final, on referme le livre avec déjà nostalgie, mais les rires de Sheri, la démarche pesée d'Enitan... on a l'impression de les entrendre encore.
Vivement recommandé !
L'avis d'Emmanuelle Caminade - L'or des livres