Green is the new black.
Nous avons reçu il y a peu d’excellents titres de bande dessinée alternative américaine parmi lesquels se trouvent La saga des Love & Rockets des frères Hernandez ou encore quelques délires hystérico-trash de Dave Cooper…
bref, si tous ces titres mériteraient chacun de longs et élogieux articles dans ces colonnes, il y en a néanmoins un pour lequel cet exercice prend tout son sens dans une caverne d'Ali Baba comme la notre : Wimbledon Green par Seth.
Pourquoi? Tout simplement car l'auteur canadien rend ici hommage aux collectionneurs les plus acharnés de comics en dressant un catalogue de leurs tares les plus hilarantes jusqu’àcelles les plus désespérées.
L’ouvrage fait grand luxe malgré son format ramassé (A5) exprès pour rappeler l'allure de ces carnets que vous collectionneurs transportez partout (sauf lorsque vous les oubliez dans nos rayons), remplis d’annotations kabbalistiques recensant votre collection. Les pages de garde sont d'ailleurs constituées d'extraits de vieux comics très rares, bien évidemment factices, qui sont justement au cœur des spéculations des personnages.
La couverture ne laisse que peu de doutes sur le sujet : Wimbledon Green est imprimé en lettres d’or, le plus grand collectionneur de comics du monde, est un homme d’âge mur posant tel un colon prêt à partir en safari.
Le cartoonist attise la curiosité du lecteur avec un rythme semblable à Citizen Kane, à la lisière des genres : biographie, enquête policière, reportage... De nombreux mystères entourent ce personnage aussicharismatique et érudit quesournois etavide. Seth découpe sa narration en multiples chapitres et la partage en autant de points de vue, souvent divergents. Son but véritable étant de retranscrire cet amour fétichiste des comics « golden age » à travers une galerie de vieux garçons dont on devine l'odeur de papier rance. Son dessin s’accoquine volontiers avec celui des illustrés d’antan, une mise en abîme habile qui prend tout son sens lors deslectures des parutions favorites de monsieur Green. Une sensation renforcée par les teintes sépia qui colorent l’ensemble des pages d’un voile désuet.
Seth dresse un portrait volontairement caricatural des maniaques de « l’ancien », mais nombre d’anecdotes sonnentjuste à quiconque baigne un minimum dans « le milieu ». Le souci du « sur-détail » offre une authenticité et trahit l’attachement de l’auteur pour cet univers dans lequel il est bien souvent acteur. Souvenez-vous des pages de son ami Joe Matt, où les deux compères arpentaient les échoppes les plus undergroundafin de dénicher des pièces rares.
Alors, qui est Wimbledon Green? Ou plutôt, En quel genre de personnage mue celui qui est pris de la fièvre de la collection ? La réponse se trouve sur nos étagères.
Wimbledon Green, Seth.
éditions du Seuil, 2006, 10€