Manifestation des buralistes à Paris

La manifestation des buralistes du 21 novembre fut un véritable succès, avec des dizaines de milliers de manifestants très bruyants défilant à Paris. Les bars à chicha y étaient aussi bien représentés. Les manifestants ont exigé des amendements au décret d’interdiction totale, en anticipant d’importantes pertes financières mais surtout en demandant le maintien de leurs espaces de convivialité et de la liberté de choix pour chaque établissement. Autour du défilé, on a pu constater beaucoup de parisiens surpris qui lançaient soit des mots de soutien, soit des accusations d’”assassins!”…

Sur la place des Invalides, le président de la fédération des débitants de tabac René le Pape a fustigé le l’intransigeance de Roselyne Bachelot, ministre de la Santé. Accompagné de quelques députés de l’actuel gouvernement (parmi ceux qui ont fait des propositions de loi dans le sens d’assouplir l’interdiction totale de fumer à partir du 1^er janvier 2008), le Pape a averti le gouvernement que les buralistes resteraient mobilisés.

Concernant les députés “rebelles”, à mes yeux leur position reste ambigüe. S’ils s’enflamment tellement pour les libertés individuelles et pour les solutions de compromis, s’ils critiquent tellement la politique de suppression méthodique des libertés (pas seulement celle de fumer) menée par le gouvernement de François Fillon, et si par ailleurs ils sont minoritaires et leurs propositions ont déjà été refusées, il faudra un geste plus fort – comme par exemple une menace de démission collective – pour faire dissiper les soupçons d’opportunisme. Jusqu’ici les risques de pertes économiques et de droits civils restent toujours du côté des citoyens et des commerçants…

D’autres aspects ont manqué au rendez-vous et aux paroles des orateurs: le débat autour de certaines faussetés scientifiques propagées par les médias, le débat concernant la mirobolante augmentation de 300% de l’estimation des coûts sociaux du tabac en 5 ans… On aura beau galvaniser les manifestants autour du principe à double tranchant de la liberté, cela n’empêche pas beaucoup de non-fumeurs d’exiger des espaces libres de fumée et de prendre la cigarette pour le bouc émissaire de nombreux problèmes de société.

Les modalités pragmatiques des aménagements restent à discuter – comme le renouvellement des systèmes d’aération, la bonne stratégie pour en arriver à une diversification des établissements (comme en Espagne), l’incertitude concernant la part de la pollution urbaine dans les maladies attribuables au tabac, les gains de la sécurité sociale au niveau des dépenses liées à la vieillesse (si l’on considère que les fumeurs meurent plus tôt)…

Enfin, cette manifestation a eu le mérite d’exprimer les exigences raisonnables d’une partie importante de la population. J’en profite pour lancer la demande aux clients du Fumoir: y aurait-il une âme bienfaisante qui pourrait me céder une photo de la manifestation pour cet article?