Albert Camus a écrit que le problème philosophique le plus sérieux était celui du suicide et il est vrai que le moment où cette décision est prise, où l’on juge que la vie ne vaut plus d’être vécu est particulièrement impressionnant. Le roman que vient de publier Laurent Seksik aux Editions Flammarion : « Les derniers jours de Stefan Zweig. » pose cette même question. Qu’est ce qui a fait que le 22 Février 1942, exilé à Petrópolis au Brésil, Stefan Zweig se donne volontairement la mort avec sa deuxième femme, Lotte ? Bien sûr ce grand écrivain juif de la Mitteleuropa avait perdu la vie dans sa Vienne chérie, il avait connu l’errance : l’Angleterre puis l’Amérique et enfin le Brésil. Mais cela suffit-il à expliquer son geste ?
Le romancier nous raconte avec talent les six derniers mois de la vie de l’écrivain et de sa femme de septembre 1941 à ce 22 février 1942.
Stefan Zweig a laissé des lettres pour expliquer son geste et notamment celle-ci très connue
« "Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j'éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m'a procuré, ainsi qu'à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j'ai appris à l'aimer davantage et nulle part ailleurs je n'aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même.
Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d'errance. Aussi, je pense qu'il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.
Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux."
Mais malgré ce qu’il a écrit et ce roman refermé on reste dans le questionnement. Depuis longtemps Zweig avait des idées noires et très curieusement, comme le rappelle ce roman dans sa biographie du poète Kleist il s’était attardé longuement sur le suicide du poète avec sa deuxième épouse.
Comme toujours,face à ce suicide le mystère demeure.