Deux frères discutent de leur manière de voir le monde et leur entourage. Ils ne sont jamais d'accord.
"- Papa, c'est un grand monsieur avec un chapeau.
- Pas du tout! Papa, c'est un bisou qui pique et qui sent la pipe."
A part le fait que la seconde version est exactement ce qui je pense de mon papa (mort quand j'avais 1 an 1/2), tout est dit dans cet extrait. Le premier frère parle du monde avec les mots et le sens conventionnel. Le second offre une autre approche, par LES sens où étrangement la vue n'a pas sa place. La cécité n'est jamais nommée, elle est entre les lignes.
Le premier petit garçon n'a jamais faux dans ses descriptions, elles sont belles et douces. Son frère propose plus de poésie mais aussi une autre approche, une approche plus lente et aussi plus spontanée (par expérience).
Les deux versions se mêlent et sont aussi réelles l'une que l'autre. Entre les lignes aussi, c'est toute une vision de la communication et de la fratrie. Un brin de jalousie (savoir qui a raison devant maman) puis surtout la différence comme partage, communication de visions alternées et pourtant qui marquent le monde. L'enfant peut ainsi se mettre à la place de son frère, fermez les yeux. C'est une proposition à réfléchir à la situation et au regard que portent les autres.
Que ce soit vraiment une allusion à la cécité ou juste une porte ouverte sur les sensations de l'autre, j'ai aimé que les illustrations soient colorées, stylisées bien-sûr mais le ferme les yeux final est un véritable arc-en-ciel. Des couleurs, optiques, aux couleurs du monde intérieur.