Dans Newsweek : "Les gros ennuis de Sarko" ou le prix de l’insuffisance.

Publié le 25 mars 2010 par Popote67

Ou le prix de l’insuffisance.
> Cet article est publié dans l'hebdomadaire américain Newsweek daté du 29 mars.

Nicolas Sarkozy (AFP)

L’heure des adieux n’est peut-être pas encore arrivée, mais après vingt ans au cours desquels il a paru invincible le président français Nicolas Sarkozy commence à ressembler à un perdant. Le premier tour des élections régionales début mars a été l’occasion d’une formidable déculottée. Comme l’a titré l’hebdomadaire de gauche Le Nouvel Observateur, c’est SAR K.O.

Le problème du président est basique : il n’a pas tenu ses promesses. L’homme est perpétuellement en campagne, frénétique, enchaînant initiatives après initiatives, en quête des gros titres. Mais la France veut un président qui s’élève au-dessus de la mêlée, que ce soit une figure paternelle façon Charles de Gaulle — obsédé par la grandeur de la France (en français dans le texte) ou un courtois tonton comme François Mitterrand, d’où exsude la littérature et l’histoire. De Gaulle a fait de la France une nation moderne et puissante, Mitterrand en a fait un des pivots de l’Europe.
Sarkozy n’est qu’un simple homme politique dans un pays qui a soif d’hommes d’Etat.

Sarkozy regorge d’énergie, mais semble incapable d’ordonner ses priorités de façon cohérente. Il dénonce le capitalisme au Forum Économique Mondial, mais adore faire la fête avec les oligarques français hyperriches. Un nombre croissant d’électeurs retraités voudrait de meilleures retraites et plus de dépenses de santé, et Sarkozy leur garantit qu’il s’occupera d’eux. Parallèlement, il promet aux entreprises des allégements de charge, des départs à la retraite plus tardifs et des services publics plus chers.


Sarkozy a gagné les élections en 2007 en promettant de nettoyer les rues de la "racaille", au besoin avec un Karcher. Il a lancé un débat sur l’identité nationale qui a ouvert
la boîte de Pandore du racisme et de la haine anti-musulmane. En réponse peut-être, de jeunes musulmans furieux continuent de se livrer aux rituels incendies de voitures, et les idéologues islamistes du pays se manifestent de plus en plus bruyamment. En foi de quoi, une portion des électeurs d’extrême-droite que Sarkozy avait attirée lors des dernières élections est retournée au Front National, ouvertement anti-musulman.

Les fidèles de son propre parti se sont vus privés de promotions et de postes, Sarkozy ayant
bourré son gouvernement d’outsiders venus de la gauche ou d’ONG afin de s’attirer les faveurs des médias. Aujourd’hui, les mécontents de l’Union pour un Mouvement Populaire de Sarkozy se mettent à se retourner contre leur président, qui semble avoir perdu de son aura de vainqueur.

En 2007, Sarkozy avait promis d’être le président des droits de l’Homme, mais pour préserver l’influence de la France en Afrique, cultiver les relations avec la Chine et remporter des contrats en Libye, Sarkozy a mis au rencart les ambitions françaises, gardienne autoproclamée des droits de l’Homme en Europe. Parallèlement, après avoir décidé le retour de la France au sein de l’OTAN (à la grande fureur de l’establishment militaro-industriel), il a entrepris de vendre des navires de guerre ultramodernes à la Russie — qui venait de déclarer l’OTAN comme étant son ennemi.


Sarkozy n’a pas joué avec plus de talent la carte européenne. La chancelière allemande
Angela Merkel est saoulée des sermons de la France sur la nécessité pour l’Allemagne de réduire ses exportations et de stimuler sa consommation intérieure. Elle appelle aujourd’hui à une modification des traités de l’UE afin de permettre l’expulsion de la zone euro des pays qui manqueraient à leurs engagements en matière de dette et de déficit. La cible est de toute évidence la Grèce. Mais la sortie de Merkel est également un défi lancé à la France, qui a maintes fois transgressé les règles budgétaires imposées par l’Union — notamment à l’époque où Sarkozy était ministre de finances de Jacques Chirac.

Paris est nostalgique de l’époque où l’Union Européenne était emmenée par l’axe franco-allemand, comme ce fut le cas avec Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt dans les années soixante-dix, Mitterrand et Helmut Kohl dans les années quatre-vingt, ou encore Chirac et Gerhard Schröder, lorsqu’ils étaient unis contre la guerre en Irak de l’axe Bush-Blair. Mais Sarkozy et Merkel ne s’entendent pas. Ils ne parlent pas le même langage politique et son conservatisme social teinté d’austérité est à l’opposé de son style hédoniste.


Tandis que Sarkozy s’agite, le nouveau leader du Parti Socialiste,
Martine Aubry, a entrepris de construire son équipe dans le calme. Cette approche discrète a payé au cours des dernières élections, qui a vu les Français voter contre un président tout sauf discret. Les socialistes disposent, en outre, d’une carte maîtresse en réserve. Le patron actuel du Fond Monétaire International, Dominique Strauss-Kahn est un socialiste qui, dans les années quatre-vingt-dix a été salué comme meilleur ministre des finances du continent. Aujourd’hui, à l’instar d’un de Gaulle, Strauss-Kahn guette en coulisse, et se prépare à défier la terne administration Sarkozy à l’occasion des présidentielles de 2012. Un mauvais score lors d’élections de mi-mandat où la participation est faible ne constitue pas nécessairement un indicateur fiable du résultat de futurs scrutins nationaux. Mais Sarkozy a perdu son invincibilité, et pour les socialistes français, c’est peut-être ce qui suffira à faire la différence.

Par Denis MacShane, député travailliste et ancien ministre des affaires européennes du Royaume-Uni.

Traduit de l'américain par David Korn

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Lire la version américaine de l'article sur le site de Newsweek

(Nouvelobs.com)