Qui ? Les femmes, ou plutôt la féminité - façonnée en potier, comme Jéhovah le fit jadis aux commencements du monde. Gouttes de terre rose que le Souffle animera, fera chair. Deux trous pour les yeux, deux trous pour le nez, deux trous pour la bouche, deux seins, deux pieds, deux fentes tout en bas, devant et derrière. La Femme est née sous le signe du deux. Double de l’homme dont elle est côte, double dans le temps avec l’enfant, double en soi. Mais celles de Mâkhi Xenakis n’ont pas de mains, symbole de l’agir, du pouvoir sur les choses : seraient-elles des bites en acte réservées aux mâles ?
Mâkhi Xenakis a de qui tenir. Fille de Françoise, journaliste et écrivain et du compositeur Iannis, elle est artiste, née à Paris en 1956. Elle sculpte, elle peint, elle écrit. De la sensation aux sentiments et aux idées : les trois étages de l’humain. Elle a étudié l’architecture avec Paul Virilio, créé décors et costumes pour le théâtre. Ses livres sont publiés aux éditions Actes Sud.
Ce qu’elle sculpte entre 2007 et 2010, ces boules roses en goutte d’huile, bien assises, Mâkhi les appelle des « créatures ». « Inspirées à la fois des déesses archaïques, des femmes ‘impudiques’ de Manet ou de Picasso, des Causeuses de Camille Claudel ou encore de certaines sculptures de Louise Bourgeois. Ces ‘créatures’ se montrent telles qu’elles se ressentent à la fois dans leur fragilité leur vulnérabilité mais aussi leur plénitude, leur animalité, leur étrangeté. » Dit-elle.
Leur présence est forte, surtout lorsque vous visitez l’exposition quand il y a peu de monde. « Elles n’attendent personne pour être. » Elles sont là, vision en triangle à l’oeil, en pyramide au toucher, bien campées sur leur nid et impassibles. Elles sont l’œuf, la terre-mère, la chair qui devient. Guilaine Depis, l’attachée de presse des Femmes, attire judicieusement le regard sur leur surface : elles sont couvertes d’un léger duvet blond, pareil à la vraie peau humaine. Nous sommes loin du marbre antique qui irradie sa lumière depuis l’intérieur. Nous sommes dans le travail de l’artisan et non des dieux. La terre est mate et ne brille pas comme la pierre mais elle n’est pas froide comme elle et si vous pouviez toucher (c’est interdit !), elle apparaîtrait tiède comme la chair. Peau de terre contre peau de pierre, nous sommes au XXIe siècle après, pas au Xe siècle avant. Les dieux n’insufflent plus la vie, à nous de la faire naître.
Placides, reposantes, elles vous regardent. Les féminités posées. Sans rien dire par les mots, mais leurs formes et leur couleur disent pour elles. Point de bavardage mais une parole. Point de futile mais du fondamental, du féminin pluriel. Vous vous sentez étrangement apaisé parmi elles. Elles nidifient à plusieurs. Elles ont essaimé parfois sous cloche de verre pour être emportées et adoptées.
Elles sont là, elles vous attendent. Venez les voir !
Exposition présentée du 8 mars au 30 avril 2010 du lundi au vendredi de 11h à 19h, le samedi de 13h à 19h, Espace Galerie des Femmes, 35 rue Jacob 75006 Paris
Librairie-espace des Femmes
Le site de Mâkhi Xenakis
Une vidéo de Mâkhi Xenakis