Magazine Culture
Avec cette plongée tendue au cœur des (dys)fonctionnements du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie, le très doué Hans-Christian Schmid (le formidable Requiem, c’est lui), pose les vérités sous deux angles différents: le drame d’abord, humain, moral, éthique, le thriller ensuite avec ses enquêtes, rebondissements et autres codes du genre. S’il part de faits fictionnels, le cinéaste ne perd pas du vue la réalité qu’il pointe du doigt, à savoir comment les instances judiciaires se trouvent à un moment donné manipulées par des intérêts considérés plus forts que le rendu d’une justice égale et à hauteur d’hommes, par des gouvernements qui servent leurs intérêts propres (rentrer dans l’Union Européenne ici) au détriment de ceux des victimes, par des Etats qui cachent l’information au plus grand nombre, mettant ainsi des bâtons dans les roues au procureur chargé de l’affaire. Schmid démontre tout l’enjeu du procès d’après guerre dont il est question dans le film : l’énorme torture psychologique vécue par le témoin, la façon dont le professionnel s’immisce dans le privé (avec cette femme procureur peu à peu impliquée émotionnellement dans l’affaire), mais aussi, le mutisme des pouvoirs publics et des politiciens, préférant à la justice le silence confortable. Taire ce qui ferait tâche. Taire ce qui dérange. En soignant une œuvre engagée et captivante, qui bénéficie d’éclairs de cinéma magnifiés par une mise en scène caméra à l’épaule, le cinéaste signe un film maîtrisé de bout en bout qui fait la part belle aux ressentis, offrant la parole- habituellement étouffée par des magouilles politiques secrètes de tout genre- aux victimes. Une manière d’ouvrir sa gueule dans un monde corrompu, pandémonium où dégénérés et lâches gardent- pour soigner leur pathétique tranquillité- leurs bouches closes.