Il y a quelque temps, j'entendais Elie Barnavi sur France Inter, un dimanche matin.
Il est ancien ambassadeur d'Israël en France.
Le journaliste l'a interrogé sur la possibilité d'un état d'Israël qui serait binational, accueillant sous un même toit juifs et palestiniens. Réponse d'Elie Barnavi : pas question, ce n'est pas possible, le peuple juif a besoin d'un état.
Semaine suivante, tribune du même Elie Barnavi dans Marianne : les peuples européens doivent cesser de freiner la construction européenne et mettre en commun leur politique extérieure etc...
Je suis donc obligé de constater que le peuple juif a droit à un état, qui lui est indispensable, mais qu'en revanche les peuples européens sont priés de faire état commun.
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On peut simplement croire qu'Elie Barnavi mérite donc de se taire et de cesser de se faire le propagandiste d'une unification européenne qu'il estime impossible à l'échelle de deux peuples, palestiniens et juifs - l'éternelle histoire de la paille et de la poutre en somme.
Il a peut être des arguments mieux fondés pour traiter différemment deux cas qui paraissent identiques. Je vais essayer, à sa place, de chercher ce qui peut justifier un tel deux poids deux mesures.
J'écarte tout d'abord un argument : les palestiniens et les juifs sont trop opposés, il y a trop de violences entre eux, ils ne pourront pas cohabiter. Pour les lecteurs à la mémoire courte je rappellerai que la deuxième guerre mondiale a vu une bonne partie de l'Allemagne assassiner le reste de l'Europe, sur des critères raciaux et politiques, et que le conflit Israélo-palestinien est encore très loin d'avoir atteint la même intensité.
Deuxième argument possible : entre israéliens et palestiniens c'est un conflit religieux et non national. L'Europe est l'état des chrétiens (et devra fusionner avec les USA), Israël est l'état des juifs et les palestiniens devront se trouver leur état musulman. Cela revient à poser que le fondement d'un état est religieux (j'écarte l'idée parfaitement peu sensée que le fondement d'un état puisse être racial).
Cette explication est possible, je la refuse en tout cas violemment. Le fondement d'un état ne peut être religieux.
Troisième argument : c'est la volonté d'une population qui fait loi. Je ferai remarquer à Elie Barnavi que la volonté du peuple français et de quelques autres peuples à l'égard du Traité de Lisbonne a été claire, et qu'elle n'allait pas dans le sens d'une union sans cese plus étroite.
J'aime cette explication, et si Barnavi la faisait sienne il serait moins prolixe sur la nécessaire unité européenne.
Quatrième argument : il y a un sens de l'histoire dont Elie Barnavi a les clés et qui veut que là où 27 peuples doivent faire état commun en Europe, Israël doit faire cavalier seul. Cela contrarie ma vision rationaliste et platement cartésienne.
Cinquième argument : d'un point de vue américain, notamment exprimé dans "le grand échiquier", l'Union européenne est la punition infligée aux peuples européens après la deuxième guerre mondiale. C'est un boulet attaché aux pieds de l'Allemagne pour l'empêcher de renouer avec des visées expansionnistes doublé d'un contrepoids aux fulgurances françaises.
C'est une vision réaliste, mais il conviendrait d'informer les peuples européens de cet état de fait : l'Union européenne n'est pas une bénédiction mais une
sanction, une invention que l'on sait ingérable et stérile faite justement pour que les états européens se neutralisent les uns les autres - avec un succès complet comme le montre l'actualité
grecque.
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Je ne sais quelle est la position d'Elie Barnavi. Mais s'il était cohérent, il devrait admettre que les peuples de l'Union européenne n'ont pas envie d'un état commun, à tout le moins pour ce qui est du peuple français, et cesser d'insister en ce sens. Ou alors il devrait convenir que ce qu'il prône pour les autres est aussi applicable à Israël, qui devrait accepter d'envisager un avenir commun intégrant juifs et palestiniens. En tout cas, tels que je les ai entendus, ses arguments à l'égard d'Israël, de son voisin palestinien et de l'Union européenne ne sont pas compatibles.
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Je doute que ces interrogations parviendront à Elie Barnavi, et encore plus qu'il soit amené à y répondre, mais je crois qu'elles sont au coeur des questions fondamentales sur l'Union européenne : peut-on faire un état commun à partir de peuples distincts qui n'ont pas envie de se rassembler sous un seul et même toit ? Pourquoi contraindre les peuples de l'Union européenne à admettre qu'ils doivent s'infliger ce qu'il serait indigne de songer à infliger à Israël ?
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Il va sans dire, mais ça ira beaucoup mieux en le disant, que tout commentaire déplacé à l'égard d'Israël ou des palestiniens sera supprimé. Je suis favorable au maintien d'un état israélien tout autant qu'au maintien d'une république française - et à la cohabitation d'un état palestinien pacifique et voisin d'Israël.
Seuls l'ennui et le désert naîtront d'une uniformité européenne, ou pire occidentale.