Les arbres dans la ville

    Même si c'est toujours l'hiver et que les arbres ne sont que des squelettes dégingandés, des échalas décharnés, des ombres mortes, ils sont là, présents, grands, droits, et je ressens ce qu'ils donnent à la ville :
Les arbres entre les immeubles
 Du vivant parmi la pierre, le béton, l'asphalte, du végétal dans le minéral artificiel des villes. J'avais tout d'abord vu leur reflet dans le limpide des flaques dégelées, maintenant, je les vois sur le ciel, contre les pignons d'immeubles coupés en deux. Je redessine des yeux leurs traits d'encre, les gribouillis de fusain, en attente de leurs bourgeons.
Devant le Ballhaus Clärchen
C'est encore l'hiver sous leur écorce tiède, mais ça pulse doucement sous le premier soleil. Rien de vert encore et pourtant. Sous ma peau à moi, ça pulse aussi doucement, et même un peu plus fort, et si j'étais un arbre… Une femme-arbre qui marche et qui pense, qui (re)vit ici, et qui aspire l'air de Berlin et qui rêve de semer des graines de Berlinpinpin derrière elle pour retrouver son chemin, plus tard, vers cette ville choisie…
L'arbre et ses graines de Berlinpinpin de la Kulturbrauerei(sisi, je vous jure…)
L'arbre et son mur rouge
Mais chose étrange, ici, les arbres sont inventoriés. Il y a quelque part, le Grand Livre des Comptes, le Livre des Arbres de Berlin. Partout, dans le grand parc de Treptow, dans celui plus petit de Görtlitz, le long de chemins, un numéro d'identification est cloué sur leur tronc. Un arbre ici n'est jamais inconnu, il a ses papiers comme tout le monde et se plie au recensement, accepte son sort quand le préposé aux écritures du Grand Livre fait une petite croix rouge en face de son numéro…
"Je ne suis pas qu'un numéro"