Le nouveau visage de la musique française

Publié le 24 mars 2010 par Clementso

Les 25e Victoires de la Musique diffusées samedi 7 mars dernier ont mis en lumière le paysage français de la musique. Un paysage qui se transforme au fur et à mesure des influences. Et l’influence principale n’est autre le biberon anglais, au grand dam des puristes.

Ah ça, le coup du « le monde de la musique c’est du n’importe quoi, rien ne vaut mon époque », on y a droit de génération en génération. Pépé qui voudrait tant qu’Elvis soit encore des nôtres. Et puis nous avons la génération des Stones qui prône que de toute façon sans les papy du rock, on n’aurait rien aujourd’hui de potable. Encore que le monde rock à la française change de visage.



Les Obispo et autres Lara Fabian c’est fini



Le paysage musical français tend à se transformer peu à peu. L’époque des Francis Cabrel qui chantaient les larmes qui coulent sur le plancher, les Lara Fabian qui hurlaient « je t’aime » ne sont plus d’actualité. La chanson française se porte bien, rassurez-nous ? En fait, elle s’est transformée au fur et à mesure des courants de la mode.
En effet, dans un premier temps nous avons l’époque Gainsbourg, Bashung et Higelin qui se ressent encore dans la relève Benjamin Biolay consacré bientôt avec son dernier album La Superbe comme le chanteur de l’année. D'autre part, les comédies musicales ont importé un souffle nouveau et imposé des chanteurs à voix aux textes parfois douteux. Entre les deux, des chanteurs de variété où subsiste une évidence, les Calogero, les Benabar et autres chanteurs français n’ont plus la même cote. Et pour cause, la mode beatlesmania reprend du service.

L’air anglais en France

À y regarder de plus près, la tendance rock des années 2000 tend vers une folk pas farouche ou un style en pantalon slim rock pop-électro à la filiation Paul McCartney pour le côté gendre idéal, Leonard Cohen pour l’humour et Nick Cave pour l’univers particulier. La mode vestimentaire depuis quelques années qui tend vers le style 60’s anglais y est aussi pour quelque chose et vous noterez que l’élégance glamour revient en force avec le costume noir, chemise blanche et la cravate toute fine pour les hommes à la Zazou. Mélange glamour et jazzy, fusion des années fin 40 pour la folie et des années 60 à la Beatles.
On ne parle plus du rock qui dénonce, qui provoque. Il n’est plus l’heure de l’époque 68 Woodstock avec des revendications de paix et d’anarchie totale. Il est clairement démontré qu’aujourd’hui nous surfons sur une demande d’ordre, de calme, de principes et d’évasion. Un monde artistique français aux antipodes des clichés, plus glamour que jamais. Doit-on y voir une mentalité européenne ?
En outre, les groupes nominés au cours de la cérémonie des Victoires de la Musique donnent la mesure. Revolver, Pony Pony Run Run, Izia, Charlotte Gainsbourg ou encore Yodelice sont des groupes made in France qui chantent en anglais.
Un univers qui s’apparente au panel rock allant d’ACDC à Franz Ferninand, mais comment en est-on arrivé là ?


Une ère gameboy

Depuis quelques années, depuis quatre ans pour être précise, les choses ont changé dans la manière de promouvoir la musique. Bien que l’industrie du disque se porte plus ou moins mal, les parades pour imposer la musique dans notre quotidien ne sont pas une affaire dénuée de sens. En effet, mise à part la publicité comme vecteur essentiel, la télévision a eu besoin également d’être dans les starting block. Et rien de tel que de faire revivre la musique française avec la Star Ac’.
Le contre-emploi de demander à des jeunes de chanter du Aznavour, ce à quoi M6 réplique avec la Nouvelle Star et une programmation en prime time à tendance rock. Steve Estatof, précédent Julien Doré, ouvre les hostilités et c’est ACDC, les Doors qui passent pour mettre le feu au Pavillon Baltard mais surtout dans les foyers. La révolution est en marche. L’énergie rock renaît de ses cendres et les jeunes s’imaginent en haut de l’affiche non pas en reprenant du Berger mais du Bowie.
Ces mêmes jeunes qui jouaient à la gameboy prennent plaisir à s’offrir la nouvelle tendance du jeu vidéo en jouant de la guitare sur les Guitar Hero ou les Rock Band. On découvre ou redécouvre le son rock des années 70, 80 et 90 et les jeunes en demandent encore. Les industries du disque le comprennent assez bien et la télévision en fait son fonds de commerce. La demande est nouvelle, on veut des solos de guitare et un point c’est tout (chose que M a parfaitement comprise et pourrait nous promettre de suivre la mouvance de manière spectaculaire. Artiste visionnaire, il est en mesure de proposer un ensemble cohérent au style rock anglais et aux textes français chers à notre patrimoine).
Et enfin, la culture musicale des jeunes est impressionnante. Le boom d’internet y est aussi pour quelque chose, puisque les YouTube permettent de découvrir des sons peu ou pas connus comme celui du groupe Passion en 1982 « I’m in Love With a Geman Film Star » repris par le groupe des Foo Fighter par exemple.
Je chante anglais et je suis français et y’alors ?

Rien qu’entre 2009 et 2010 les groupes français qui proposent un style bien anglais ne cessent de pulluler. Republik, Soma, Phoenix, Gush, Yodelice, Revolver et j’en passe sont de cette génération qui ont écouté les Pink Floyd, les Beatles et veulent insuffler un rythme rock imbibé du rock 90’s des Smashing Pumpkins et autre Kurt Cubain. Pony Pony Run Run va même jusqu’à créer un mélange intéressant entre la pop indé et le son new wave des Cure.
En revanche, le rock à la française plus incisif aux connotations presque de consternation flirtant avec la politique, un rock donc bien plus engagé avec Noir Desir, Eiffel, Luke, Suez casse alors le style gentillet d’un Raphael surfant sur la tendance du sniper des chroniqueurs. Insolant, vif, piquant est le savoureux mélange de ces prochaines années. Sans oublier le style vindicatif et l’humour narquois, les années à venir ressembleront à un vague de jeunes qui ont des choses à dire et en même temps ne pensent qu’à vivre. La pop française à la sauce anglaise n’est autre que le grand retour des principes des années 80, à savoir juste penser à la musique et être désinvolte, souple.
Il n’est pas impossible que d’ici 2015, la roue tourne pour une musique plus poétique à la Bashung. D’ici là, c’est de la folk avec Villeneuve, du rock grinçant avec Suez et de la pop électro avec tous ces jeunes d’à peine 30 ans respirant l’air rock revu et corrigé, même si comme le disait John Lennon, « pourquoi toujours chercher à copier les vieux ? »