Combien de rires, dites, combien de roses
dans le corsage d’une nonne.
Combien de roses fanées,
combien de rires rongés,
combien de corps piétines
pour un seul qui n’existe pas.
Combien de rêves, dites, combien de fièvres
dans le corsage d’une nonne.
Combien de rêves chassés,
combien de fièvres brûlées,
combien de cœurs dépecés
pour un seul qui n’existe pas.
Mais, sur sa monture luisante,
voici le sauveur.
La nonne, à genoux, l’accueille,
tremblante comme une feuille
et blanche comme la douleur.
Combien d’eau dites, combien d’étoiles
dans le corsage d’une fiancée.
Combien de fleuves retrouvés,
combien de bateaux pavoisés,
combien de rives enchantées
pour un jour qui va naître.
Le cavalier d’amour l’emporte
quand, du couvent, la lourde porte
se referme sur les années;
sur les nonnes en prière
qui ne seront plus de pierre.
(Edmond Jabès)