A titre d'exemple, prenons le cas d'une voiture qui se déplace du centre ville de Lausanne au centre ville de Genève : durée du parcours, en passant par l'autoroute, 41 minutes ; vitesse moyenne : 92 km/h, selon Mappy. On s'en doute bien, cette vitesse a varié - et il n'y a pas eu de bouchons. Elle aura varié entre une vitesse nulle - aux feux et aux arrêts obligatoires - et 120 km/h maximum ... N'est-ce pas ?
C'est pour pallier ces approximations dues à des intervalles d'observation trop grands que les mathématiciens ont inventé le "passage à la limite", la dérivée et, dans le cas présent, la vitesse instantanée.
Une des applications les plus fameuses - mais de loin pas la plus parfaite - est la courbe de température que l'on trouve au pied du lit des malades dans les crobards, les dessins de presse ou les BD. C'est aussi le genre de graphique que nous délivrent les tachygraphes embarqués sur les véhicules professionnels ; des engins qui permettent de suivre a posteriori l'évolution de la vitesse du véhicule à chaque instant ou presque.
Quel rapport avec les mots me direz-vous ?
Un rapport simple : les chiffres de la presse. Les chiffres des mots couchés sur le papier journal que chacun ou presque lit chaque jour. Les chiffres des lecteurs qui ont été publiés par l'institut REMP et que l'on retrouvait hier dans nos canards.
Des chiffres plutôt malmenés car soigneusement sélectionnés ou pris en compte sur des intervalles de temps variables en fonction des besoins.
C'est ainsi que l'on apprend que perd 0,4 % de ses lecteurs en Suisse romande si l'on compare la période qui va d'octobre 2008 à septembre 2009 avec celle d'avril 2008 à mars 2009. Pendant ce temps, La Liberté gagne 5,3% de lectorat et en perd 4,5 %.
L'affaire devient intéressante à la lecture de la page 11 du 24 heures où l'on trouve un petit article signé du rédacteur en chef en personne et titré : "En un an, " 24 heures " a vu son audience progresser". Dans le chapeau, on découvrira que "le lectorat de votre quotidien croît de 4,1%, et la fréquentation de son site bondit de plus de 30%." On apprendra plus loin que les chiffres de la fréquentation du site Internet ne proviennent pas de l'Institut REMP et qu '"en un an, l'audience de 24 heures a progressé de 9000 lecteurs." Hélas on ne sait pas de quelle période d'un an on parle. La suite de l'article parle des journaux les plus importants en termes de volume, mais omet de signaler la progression des journaux à plus faible tirage.
Thierry Meyer a-t-il arrangé les chiffres ? Certainement pas ! Il a probablement choisi les chiffres qui l'arrangent. Un peu comme l'automobiliste vantard affirmera faire un Lausanne-Genève à la vitesse moyenne de 120 km/h sans préciser qu'il ne parle que du parcours autoroutier.
Vous ne me croyez pas ? Pour vous convaincre, voici la conclusion de l'article de La Liberté signé de Linda Bourget :
"Si les résultats de la dernière enquête REMP doivent êtres interprétés avec précaution, ceux-ci sont "rassurants" sur tous les plans pour " La Liberté ", estime toutefois Nancy Zürcher [directrice marketing de " La Liberté "]. [...] Et, à l'exception de " 20 minutes " , les autres titres romands présents dans la zone de diffusion de " La Liberté " y voient leur lectorat reculer (1000 de moins pour " Le Temps " , idem pour " 24 Heures " et pour " Le Matin ")."24 heures a-t-il pris de La Liberté avec les chiffres ? Cela est fort probable si l'on s'en tient aux chiffres de l'ATS qui n'avait aucun intérêt à les trier sur le volet.
- Crédit images : visuels empruntés avec reconnaissance à la TSR et à l'ATS.