Résumé d’après Laterna Magika : un jeune écrivain est sollicité pour reprendre le manuscrit de l’autobiographie de l’ancien premier ministre britannique. Son prédécesseur dans cette tâche vient d’être retrouvé mort dans des circonstance mystérieuses (accident ? suicide ?) et, à mesure qu’il pénètre dans l’intimité de l’homme politique, le nègre littéraire commence à percevoir que quelque chose cloche. Dans le même temps, de lourdes accusations sont lancées dans les médias contre le politicien. La maison dans laquelle s’est retranchée tout ce petit monde sert alors de PC de crise et l’écrivain devient le témoin privilégié de ce qui se joue…
Une chronique de Vance
Ce qu’il y a de bien avec des manifestations comme le Printemps du Cinéma (rappelons que le dernier jour était aujourd’hui !), c’est que ça nous donne un peu de cœur à l’ouvrage, et qu’on se déplace plus facilement pour des films qu’on n’aurait peut-être (ou sans doute) pas été voir sans la baisse de prix annoncée. Non qu’une réalisation de Polanski soit à ce point si peu engageante. Au mieux, le bonhomme m’interpelle, notamment à cause de ces films qui ont durablement marqué l’imaginaire (Répulsion, le Locataire) : chez lui, l’ambiance n’est pas un vain mot, elle est contextuelle et palpable et rares sont ceux qui savent ainsi instiller des émotions inattendues par une habile utilisation de la lumière et des décors. Ses sujets, même quand ils ne sont pas directement puisés dans la Littérature de l’Imaginaire, se rapprochent presque immanquablement de l’univers fantastique : des détails incongrus, des ombres portées, des situations improbables et des interprétations forcées franchissent les limites du Réel et ouvrent des portes sur d’autres univers contigus. Et puis, il y a cet humour particulier, décalé, qui plaît ou exaspère…
Mais le cinéma actuel n’est pas très favorable à des productions de cet acabit : le prix des séances est tel qu’on privilégie bien souvent le spectaculaire, histoire d’en prendre « plein la vue, plein les oreilles » et de ne retenir que quelques impressions délétères comme lorsqu’on sort d’un manège à sensations.
C’est là que les critiques – lorsqu’elles sont légitimes, pertinentes et bien écrites – permettent de changer la donne. Mes confrères du Palmarès ont su ainsi m’insuffler l’envie, par des appréciations presque toujours élogieuses. Du coup, lors de la programmation des trois jours du Printemps du Cinéma, the Ghost Writer s’est-il imposé de lui-même, comme une évidence, entre les Chèvres du Pentagone (incontournable de par sa bande annonce alléchante) et Fleur du désert (autre influence du Palmarès, appuyée par une interview captée sur Canal+).
Le résultat ne se fait pas attendre. Le film est incontestablement maîtrisé, structuré autour d’une intrigue un peu lâche mais qui ne cesse de renouveler son intérêt grâce à l’intelligence du choix des personnages. Formellement, en effet, on n’a pas à s’ébaubir devant les machinations politiques ou les turpitudes liées au décès du premier « nègre » : peu surprenant, le scénario use de rebondissements classiques pour faire avancer une enquête trouble. Si l’on s’en tient au déroulement et à la conclusion, l’impression n’est pas flatteuse.
Attention toutefois : refusez si possible (ça n’était pas le cas dans mon cinéma habituel) la version française, calamiteuse (Pierce Brosnan étant affublé d’une voix piteusement atone, même lorsqu’il pique une colère).
Un décor lovecraftien moderne, une bande originale somptueuse, d’une rare élégance, signée Desplat, un héros très hitchcockien (l’innocent plongé dans un complot qui lui échappe), une mise en scène classieuse magnifiée par une lumière incidente irréelle : c’est une vraie réussite.
Pas vraiment passionnant, mais troublant, et techniquement superbe.
Ma note : 3,75/5