Professeur de lettres dans un établissement difficile, le narrateur porte en lui depuis toujours cette violence qu’il côtoie au quotidien. Lors d’un voyage scolaire en Allemagne, il visite le camp de Buchenwald. Il y découvre la photo d’un homme ressemblant trait pour trait à son propre père. Il ne peut s’agir de lui - d’après la date, le détenu photographié aurait l’âge d’être son grand-père. Pourtant, la ressemblance physique n’est pas une coïncidence…
En partant sur les traces de son histoire familiale, le narrateur remonte également aux sources de cette violence qui l’accompagne. C’est la violence des bourreaux nazis, la violence des dénonciateurs de juifs, la violence gratuite des collégiens, la violence des geôliers d’Ilan Halimi.
A l’image de sa couverture, ce roman est sombre - parce qu’il propose une plongée dans le camp de concentration de Buchenwald, avec force démonstration d’actes impressionnants d’inhumanité. Mais il n’est pas que sombre. C’est aussi et avant tout une histoire de famille, plutôt de familles, avec d’un côté les Fabre, bourgeois normands, respectés, appréciés, et de l’autre les Wagner, modestes immigrés travailleurs. Il aura fallu qu’un Wagner croise la route de l’épouse d’un Fabre pour que les destins des deux familles soient chamboulés. Les silences auraient pu noyer le passé dans l’oubli - c’était sans compter le besoin de comprendre du petit-fils, et avant lui de son père. S’y glisse également une histoire d’amour franco-allemande, amenant avec elle une famille supplémentaire.
Ce roman, le troisième de Fabrice Humbert, est impressionnant de fluidité et de grandeur. Juste et très bien écrit, il perce à jour les réalités derrière les façades bourgeoises. L’auteur fait montre d’une réelle maitrise de son art. Le narrateur se moque des conventions, il brise les silences et les tabous pour parvenir à ses fins, pour parvenir à la vérité. Il entraine le lecteur avec lui dans ce périple haletant, introspectif et révélateur du pire comme du meilleur chez l’Homme.
La documentation est présente, mais pas plus que nécessaire, au service de l’intrigue. Au point qu’on se demande forcément quelle est la part d’autobiographie dans ce texte écrit par un professeur de lettres…
Encensé par la critique, L’origine de la violence est lauréat du Prix Orange du livre 2009.