Comment exposer la haute couture dans un musée ?
Réponse magistrale donnée par l' exposition regroupant les chefs-d'œuvre d' Yves Saint-Laurent au Petit Palais en ce moment.
Oui, c'est bien d'œuvres d'art dont il s'agit, le doute n'est plus permis. D'ailleurs YSL exprimait très bien le statut ambigu de la mode ainsi que son propre statut de créateur: " J'ai toujours placé au-dessus de tout le respect de ce métier, qui n'est pas tout à fait un art, mais qui a besoin d'un artiste pour exister. "
Laissez vous séduire par les soies, les mousselines, les perles et les strass si finement brodés. L'éclairage et la muséographie donnent un éclat supplémentaire ou à l'inverse une ombre des plus subtiles.
Rappelons que YSL a fait ses premiers pas dans le milieu de la mode aux côtés de Christian Dior avant d'ouvrir sa propre maison en 1961 alors qu'il n'a que 25 ans.
Très vite, il introduit des vêtements de la rue dans la haute couture. Ainsi le blouson noir, synonyme à l'époque de voyous et de troubles de l'ordre public, fait son entrée sur les podiums. Quelques années plus tard, c'est au tour des vêtements d'homme comme la vareuse, le trench-coat et le caban de se féminiser.
On dit souvent que Mlle Chanel a libéré la femme et que YSL lui a donné le pouvoir. Preuve en est, en 1967, YSL crée le premier tailleur veste pantalon pour femme. Ce fut un scandale! Les femmes ne portaient alors quasiment jamais de pantalon. Sachez tout de même qu'aujourd'hui encore la femme n'a officiellement toujours pas le droit d'en porter selon le code instauré par ce cher Napoléon et qui est toujours en vigueur. Je ne peux résister : voici un extrait de la loi datée du 26 Brumaire an IX : "toute femme désirant s'habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l'autorisation...Cette autorisation ne peut être donnée qu'au vu d'un certificat d'un officier de santé...".
En désacralisant la mode, YSL désacralise la femme, qui n'est plus un fantasme mais un être humain doué d'intelligence et de capacité d'action.
Constat étonnant pour un couturier, YSL disait que " le plus beau vêtement qui puisse habiller une femme ce sont les bras de l'homme qu'elle aime ". Monsieur Saint-Laurent était aussi un incorrigible romantique.
Difficile de parler d'un vêtement en particulier car il y en a beaucoup (plus de 300) mais je décerne une mention spéciale pour la série des hommages aux grands artistes tels les somptueux tailleurs Van Gogh, les robes en l'honneur de Matisse, de Braque et de Picasso, un vrai régal.
La dernière collection d'YSL date de 2002, le maître avait choisi l'épure. De simple drapés de mousseline au bas desquels une légère brise vient soulever le délicat tissu : chefs-d'œuvre vous disais-je!
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