Le suffrage du 21 mars 2010 a permis d’élire des représentants régionaux, issus en majorité de la gauche française. Le pouvoir UMP conscient de sa faiblesse, de ses échecs, a donné la sensation de mouvement. Cela a permis aux commentateurs de commenter. La vie politique française n’est plus qu’un simulacre, un jeu d’ombres porté sur un paravent démocratique. Tout est mis œuvre durant et après le scrutin pour oblitérer le peuple. Cette masse de citoyens informe, n’ayant pour s’exprimer qu’un bout de papier représentant le spectre des chapelles électorales. Leur seul objectif, survivre jusqu’à la prochaine échéance.
Si voter dans un pays occidental de pratique parlementaire changeait le monde, cela se saurait. Le souffle fugace de mai 1981 hante toute une génération. Celle qui a cru au changement par les urnes. À une révolution tranquille, ordonnée. Il a fallu quelques semaines pour se rendre compte que la normalisation était en marche, il a fallu deux années pour faire machine arrière, puis demi-tour. Cette génération désenchantée et ce qu’il en reste doivent trois décennies plus tard faire face à l’avatar dégénéré du cynisme en politique, le sarkozysme.
Le sarkozysme n’est pas la théorie d’un homme, névrotique, qui entretient des rapports difficiles avec sa stature, mais une génération affairiste de louveteaux parvenus, froids comme des lames de rasoir. Le sarkozysme, c’est le désenchantement du désenchantement. Le stade ultime de la communication gesticulatoire ou ceux qui n’ont plus d’espoir en la Politique l’assume. La déception affectée remplacée par l’arrivisme formaté. Une entreprise est menée par un quarteron d’omniprésents débitant les mêmes inepties sur différents octaves. Qu’est ce que l’Histoire retiendra du phrasé graisseux de X. Bertrand ? Le chef d’escadron de l’armée de la soumission, parolier lénifiant, mielleux, onctueux, gentillet grassouillet presque convenable. Que diront les générations futures des archives numérisées de F. Lefebvre, traînant sa morgue de plateaux en plateaux ? Distillant sa pensée de visiteur et représentant de commerce en concept vide. La vie politique en France se résume à ça, un arriviste haineux, expert en argumentaire commercial, bombardé voix officielle des projets de réformes. Car des réformes sont nécessaires. C’est ce que pérore un premier ministre au faît de sa popularité selon le quotidien vespéral, qui le dit « inoxydable ». Un Français sur deux l’apprécierait. Autant dire un plébiscite populaire par les temps qui courent. Le croque-mort au soir du scrutin concédera un revers. Puis plastronnera, comme à son habitude sur l’obligation de garder le cap issu de la victoire nationale il y a une éternité. En mai 2007…
20 millions de Français ont voté en mars 2010. Deux fois en deux semaines. Pour rien. La taxe carbone, seul projet écologique du gouvernement bien qu’éminemment contestable est enterrée, alors que l’écologie politique constitue le véritable fait saillant du scrutin. A ce propos, N. Sarkozy déclarait en septembre 2008 « si on le fait pas on n’est pas honnête ».
Enfin, 20 millions de Français ont voté en mars 2010. Deux fois en deux semaines. Pour rien. Puisque pas assez nombreux. C’est bien évidemment oublier que ce gouvernement dirige le pays au rythme de 5 sondages par semaine pour un coût en 2008, de 3,28 millions d’euros, sur des échantillons représentatifs de moins de 2 000 citoyens. C’est évidemment oublier que le message d’une élection à 50 % de participation n’a d’autre intérêt que le commentaire mediasphérique, et le jeu de chaises musicales pour amuser la galerie de blogueurs et de journalistes. Commentaires informes sur la signification politique du retour d’un « pipole » chiraquien à mise en plis et la voix suraiguë ou d’une trahison vicieuse d’un inconnu de la faction rebelle. De la mousse et du vent.
La France a subi des élections régionales en mars 2010, un épiphénomène démocratique qu’il s’agit de rapidement oublier. Un épiphénomène réputé in-interprétable. Comme le fut le « non » au traité constitutionnel ». Par contre, les sondages d’opinion stipulent que « les Français » sont pour ou contre telle ou telle chose, par exemple les « réformes ». 20 millions de Français ont voté en mars 2010. Deux fois en deux semaines. Mais voter ne sert à rien. À part peut-être se souvenir, par ce réflexe, que la France est (encore) une démocratie.
Vogelsong – 23 mars 2010 – Paris