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Qui sont ces "trois" personnes? Les possibles? Les intrus? Entre une vie rêvée où les fantasmes deviennent avenir en un claquement de doigts, et la réalité complexe d’une vie où le foyer familial se mue en obstacle infranchissable, il n’y a qu’un pas que franchit cette mère au foyer, éperdue, amoureuse, impavide face à ses sentiments (pour le voisin) et ses obligations de femme (pour fils, époux et père). Au travers les yeux d’un enfant, qui voit sa maman comme une reine (belles séquences oniriques qui temporisent le drame), Renaud Bertrand signe une œuvre attachante, pleine de bonnes intentions, tendant vers une bâtardise inattendue, le cœur entre tendresse et passion, la tête entre responsabilités et abandon. Dans un décor kitsch et une espèce de détachement étrange, qui accentue l’aspect rêveries, il préfère contempler la vie derrière un kaléidoscope naïf et enfantin, sans affronter de plein fouet la dureté de l’adultère, des choix, de la perte du goût de l’existence et d’un futur vu comme un géant trou béant où s’engouffrent tous les espoirs. On ne sait trop si le véritable sujet du film n’est pas in fine cette mère perdue d’amour et de lassitude, plutôt que ce fils, aveuglé par les lumières de l’innocence, tant Bertrand la filme comme une divinité déchue. D'où une légère confusion des points de vue. Mais, toutefois, ses propositions sont charmantes, ses comédiens formidables (Béart sublime, Dana étonnante), son propos optant sans cesse pour différents tons, la drôlerie et la tragédie comme mélange et résumé du monde beau et cruel de l’enfance.