Il constate d’abord qu’ "apparemment les panels de citoyens qui défilent par cohortes sur les chaînes de télévision pour d'éphémères et aimables face à face avec les candidats ne posent jamais de question sur la justice." Et, le déplorant, de lancer l’appel suivant : "Le temps n'est-il pas venu de faire questionner les candidats par les corps intermédiaires : syndicats, associations, ordres professionnels, journalistes, qui pour l'instant ont été tenus en lisière du débat électoral alors qu'ils détiennent des avis structurés, fruit d'un travail collectif et approfondi de plusieurs années ? Les passeurs de connaissances, les médiateurs du débat, doivent être réintroduits dans les échanges. Un peu de compétence et de pédagogie dans le questionnement mettraient les candidats en difficulté en les obligeant à sortir d'un discours de bonne conscience compassionnelle, général et purement symbolique."
Il y aurait beaucoup à dire sur cet appel, et notamment sur ce constat discutable. En effet, il semble au contraire que les candidats soient interpellés par moult associations, corps de métiers, personnalités voire lobbies depuis plusieurs semaines. Qui n’a pas encore demandé aux candidats de s’engager en signant tel ou tel engagement ou pacte ?
Cela étant dit, il est bien évident que la justice n’est pas l’un des thèmes dominants de la campagne, très loin de là. Excès de complexité, sujet qui n’est pas considéré comme une priorité malgré le récent scandale d’Outreau ? Attendons un sondage qui nous le dira :-)
Malgré la désolation de Dominique Berella, voici quand même un début de réponse dans deux blogs.
Le premier c’est celui de Maître Eolas, avocat, qui dans les dernières semaines a commenté les propositions sur la justice des trois principaux candidats (Le Pen reste encore à faire). Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Eolas est allé au fond des choses, toutefois, au final, l’impression de ne pas avoir beaucoup avancé domine cruellement. Car il semble que les candidats ne soient pas à la hauteur des attentes (en tous cas de celles du blogueur).
Concernant Ségolène Royal une promesse : "Nous augmenterons le budget de la justice : notre pays se situe au 23ème rang sur 40 en Europe, pour son budget de la justice. Nous ferons passer le budget de la justice française dans les premiers rangs."
Sinon, une impression globale de : 1/ réinventer ce qui existe déjà (l’idée de service public de la défense par exemple) ; 2/ compliquer encore ce qui l’est déjà bien assez (une réforme de la procédure pénale sera engagée, ici Eolas s’énerve : "Vraiment, ça manquait : il y en a eu une grosse en 2002 (Perben I), une énorme en 2004 (Perben II), une petite en 2005 (Loi antiterroriste), et quatre grosses sont en discussion au parlement en ce moment même (loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance et les trois lois "Outreau". A titre indicatif, le code de procédure pénale a été modifié par 37 textes différents en 2005, et par 41 textes en 2004. Je n'ai pas encore les chiffres pour 2006, qui a aussi été une bonne année.") ; 3/ rester dans des considérations générales et abstraites ("Travers fréquent des candidats ici : on lance des idées plus que des projets concrets. Ca donne l'impression qu'on ne sait pas où on va mais on y va") ; 4/ faire dans la langue de bois ou l’aveu involontaire en promettant que "nous rendrons la justice responsable et indépendante" (ici Eolas se fait perfide : "La justice responsable et indépendante. Elle ne serait donc ni l'une ni l'autre. Sur le premier point, on sait que c'est faux, sur le second, ça sonne comme un aveu de la part d'un parti qui était encore aux affaires il y a peu...").
Sarkozy n’est guère mieux traité : il semble proposer une augmentation des moyens des magistrats mais "aucun objectif chiffré [n’est] indiqué ici". Pareil sur les conditions de détention : "aucune modalité concrète n'est donnée, selon une tradition maintenant bien établie dans les programmes électoraux. On peut supputer une augmentation du budget de l'administration pénitentiaire, mais aucun engagement n'est pris."
La conclusion est sévère : "ici encore, on est en présence d'un candidat qui ne traite la question de la justice que sous l'angle de la justice pénale. Eu égard au candidat en question, ce n'est guère étonnant, ce candidat, et son parti de manière générale faisant campagne sur le thème de l'insécurité."
Alors quoi ? Eolas est pro-Bayrou ? Eh bien non… Comme sa rivale socialiste, le centriste sombre parfois dans les formules creuses et toutes faites, par exemple lorsqu’il déclare : "Quant aux prisons, je propose deux axes : la réhumanisation des lieux d’emprisonnement et la recherche de toutes les alternatives à la détention et à l’emprisonnement, notamment pour les jeunes." Eolas, cinglant, rétorque : "Qui serait contre la réhumanisation des prisons, sans même savoir ce que cela veut dire au juste, ni à quel moment les prisons françaises sont censées avoir été humaines ?"
Comme ses concurrents, Bayrou promet une augmentation des moyens, même s’il est plus précis : "Je propose de doubler le budget de la Justice en 10 ans, par des lois de programmation multi-partisanes." Mais le blasé blogueur reste circonspect : "Quand on sait que les objectifs financiers de la dernière loi quinquennale de programmation de la justice n'ont que très partiellement été tenus, vous me permettrez ici une moue dubitative."
Bref, comme dirait ma grand-mère, y’en a pas un pour rattraper l’autre ! Du moins selon l’auguste Maître Eolas. Personnellement, n’y comprenant pas grand chose, je me garderai bien de trancher… Je renvoie simplement le lecteur à un autre blog qui apporte sa contribution à la question (décidément complexe) de la justice. C’est le blog de Dalloz qui s’offre le luxe de demander aux candidats à la présidentielle de présenter les plus urgentes et principales réformes législatives. Les candidats défileront par ordre alphabétique : à ce jour, seules les réponses de Bayrou et Besancenot sont lisibles.
Au final, je ne pense pas que c’est sur la justice que les Français feront leur choix… Ca tombe bien, c’est assez confus !