Dans ces colonnes, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer à plusieurs reprises sur certains artistes dont la musique peut, entièrement ou à certains égards, être qualifiée de folk.
Il semble en fait que de nos jours, les croisements entre folk et autres styles (pop, rock, psyché, soul, blues) soit plus marquée qu’autrefois ; il semble par ailleurs que le relatif ressassement pop-rock de certains groupes (alimenté par les diffusions radio en boucle) ne fasse, par contraste, que renforcer l’originalité de ces musiciens qui sortent un peu des sentiers battus.
Ainsi, le déjà classique et prolifique Will Oldham qui, dans ses albums solo comme dans son projet collectif Bonnie "Prince" Billy, propose une country folk parfois très dépouillée, parfois plus orchestrée. Il a récemment publié The Letting Go (voir ma chronique du 27.12.06), enregistré en Islande, mais à mon avis son meilleur album reste I See A Darkness qui contient de magnifiques chansons, il est vrai assez sombres ("A Minor Place", "I See A Darkness" que Johnny Cash avait repris dans son album American Solitary Man III).
Proche de Will Oldham, la chanteuse et harpiste Joanna Newsom dont l’univers et la voix restent assez déconcertants et ne plairont sans doute pas à tout le monde. Les compositions déjà singulières qu’elle proposait dans The Milk-Eyed Mender ont trouvé, avec son dernier album Ys (voir ma chronique du 28.12.06), une forme encore plus radicale (cinq plages très longues et symphoniques) dans lesquelles on n’entre pas comme dans un moulin.
Dans ce renouveau folk, le groupe sans doute le plus novateur et déjanté reste toutefois Animal Collective. A l’inverse d’Oldham et Newsom (dont la personnalité individuelle reste ultra prégnante), ce groupe américain joue d’avantage sur le collectif. A l’arrivée il nous propose une sorte de folk tribal, aux influences multiples et contrastées, dont la meilleure illustration reste à ce jour Sung Tongs (voir ma chronique du 04.05.06).
Pour ceux dont j’ai déjà parlé, il me reste à évoquer les frenchies du lot (c’est suffisamment rare pour être souligné) : il s’agit de Herman Dune (qui comme leur nom et leurs chansons en anglais ne l’indiquent pas, sont hexagonaux). Avec Giant, leur dernier album (voir ma chronique du 16.11.06), la notoriété et l’audience de Dune ont sans doute crû. Il faut quand même noter qu’avant ce très bel album, ils avaient également commis Not On Top, peut-être encore meilleur ?
Parlons maintenant d’autres artistes folk qui n’ont pas encore été mentionnés dans A REBOURS (sinon dans ma liste des albums rock incontournables sur la colonne de gauche).
L’an dernier, Isobel Campbell (ex Belle and Sebastian) et Mark Lanegan (ex Queens of the Stone Age) ont enregistré ensemble un magnifique album, Ballad of the Broken Seas. Le pari était risqué mais au final, la voix douce et onirique de Campbell se marie très bien avec celle, rugueuse et caverneuse, de Lanegan. De même que les influences pop de l’une s’accordent harmonieusement avec celles, plus country et folk, de l’autre.
Revenons à des univers très personnels et intimes : d’abord, il faut reconnaître que celui de Devendra Banhart ne manque pas de charme. D’autant qu’on constate une petite évolution musicale : après des disques assez dépouillés guitare/voix sans fioritures, presque sans production, Banhart a sorti Cripple Crow (son meilleur album selon moi) qui est un peu plus sophistiqué et varié même si la base guitare/voix reste présente. Son originalité est d’incorporer à cette base folk des influences très diverses : bossa, blues, sixties…
Mais le meilleur représentant de cette néo-folk reste, toujours à mon humble avis, Sufjan Stevens. Il n’est qu’à écouter son chef-d’œuvre, Illinois, pour s’en persuader. L’ambition est énorme, parfois un peu désordonnée tant les idées fourmillent dans tous les sens, mais il est impossible de contester le talent à la fois vocal et mélodique de Stevens qui sait, tour à tour, convoquer l’émotion, la joie, le calme, l’allégresse. Son utilisation des banjos ou cuivres, en plus des instruments attendus (guitare, basse), achève de donner à ses chansons une touche très personnelle et immédiatement reconnaissable.
Voilà, on me reprochera sans doute d’immenses oublis, mais il ne s’agit là que d’une petite promenade et pas d’un catalogue exhaustif. Par exemple, fallait-il parler d’Antony and the Johnsons et de son magnifique I Am A Bird Now ? Peut-on encore le ranger dans le folk ? Difficile à dire, tant il incorpore des bases soul et gospel qui semblent éloignées de ce qu’on entend plus traditionnellement par folk. Enfin, je laisse le soin aux lecteurs de ce blog de trancher…