« L’interruption du langage, le suspens du langage, la
césure (la ″suspension anti-rythmique″ disait Hölderlin), c’est donc cela, la
poésie : ″le souffle et la parole coupés″, le ″tournant″ du souffle, le
″tournant à la fin de l’inspiration.″ La poésie advient là où cède, contre
toute attente, le langage. Très exactement au défaut de l’inspiration, et cela
peut s’entendre de deux manières au moins ; ou, plus exactement encore, à
la retenue de l’expiration, du souffle : quand ça va continuer de parler
(de discourir) et que quelqu’un, soudain
libre, interdit ce qui allait se dire. Quand une parole advient, dans le pur
suspens du parler. La poésie est le spasme ou la syncope du langage1.
Hölderlin nommait la césure : la ″pure parole″ »
Philippe Lacoue Labarthe, La Poésie comme
expérience, Christian Bourgois, 1986, 1997, p. 74
1. L’auteur précise qu’il « reprend le mot de Jean-Luc Nancy (Le discours
de la syncope, Aubier-Flammarion, 1976)