Il arrive un moment durant la grossesse où bébé est capable de tendre autre chose que les nerfs de ses futurs parents. En l'occurrence, son oreille. Mais avec le foutoir qui l'entoure, on imagine facilement que sa perception des sons ne soit pas tout à fait la même que dans un studio d'enregistrement. Peu importe la taille de la caisse de résonance dans laquelle il barbote, d'ailleurs. Alors oui, le bébé entend. De là à affirmer fièrement qu’il écoute, il y a un pas.
"Ben chante-lui un truc." Outre le fait que Mamy Soon soit passée maître dans l'art d’utiliser l’impératif sans formule de politesse, cette phrase a le mérite de soulever une question majeure: peut-on se résoudre à ne lui chanter qu’un «truc», sachant qu'en moins de trois refrains mal goupillés on a le pouvoir de ruiner l'avenir musical d’un futur adulte? Je me remets à peine des mélopées d’Herbert Léonard (période prénatale) et des envolées lyriques maladroites de Jeanne Mas (période prépubère) que, ça y est, c’est à mon tour de traumatiser 23 petits centimètres de vie humaine?
J’ai mis une vingtaine d’années à chanter autre chose que Jean-Jacques Goldman devant mon miroir. Un quart de vie (si tout va bien) à comprendre que Johnny Hallyday, ben non, ça n’est pas rock’n’roll. J’ai la chance, aujourd’hui, de pouvoir apprendre à ma fille que les Beatles n’étaient pas qu’une petite voiture un peu boulotte et hors de prix. Alors chanter un «truc», non.
C’est un peu comme tous ces candidats à la Nouvelle Star qui refusent de se limiter à reprendre a cappella un tube mondialement connu (en France) et qui débarquent avec une demi-douzaine de ukulélés sous le bras.
Quand je pense que la plupart des futurs pères se penchent sur le nombril de leur femme comme ils vont détruire My Way dans le bar-karaoké du coin, permettez-moi d’y aller mollo. Trémolo.