- Quand je vois le taux d’abstention, parfois, je me dis qu’il faudrait retirer le droit de vote à ceux qui ne l’utilisent pas.
Lundi matin au boulot. Etait-ce aujourd’hui, était-ce la semaine dernière ? Etait-ce après les européennes, ou bien encore après les prochaines législatives ? On s’en fout. Ca aurait pu être après n’importe quelle élection avec un taux de participation bas, n’importe quand, sur le territoire de ce qu’on nomme encore la République française.
- C’est peut-être un peu extrême, non ?
- Franchement, ça me choque cette abstention. Ca m’a toujours choqué, mais là, alors que les irakiens ont bravés les balles et les bombes pour aller voter, qu’autant de gens préfèrent aller à la pêche qu’accomplir leur devoir…
- Alors qu’ils peuvent voter blanc. C’est quand même triste.
- Et cette idéologie du « tous pourris » sous-jacente…
C’est là que j’ai décidé d’intervenir.
- Je n’ai pas voté et je vous emmerde. J’ai exercé mon droit à l’indifférence. La liberté, connaissez ?
Oui, ça a plombé l’ambiance autour de la machine à café. Mais en même temps, ils commencent à être habitués. Oh, juste un peu, certes. Je ne leur ai pas encore servi ma théorie sur la disparition programmée de la civilisation occidentale d’ici à la fin de ce siècle. Du moins pas à tous.
- Ouais ben vivement 2002, repris celui qui avait engagé la conversation. Oui, j’ai bien dit 2002.
- Carrément, que je lui répondis, vivement 2002. Qu’est-ce que c’était drôle. Tu sais, si le vote était obligatoire, j’irai voter Le Pen, rien que pour faire chier.
- Quoi, tu voterais Le Pen ?
- Dans la mesure où tu m’emmerde à vouloir me forcer à aller voter quand je n’en ai aucune envie, je riposterai par le truc qui peut te faire le plus chier au monde mon gars. Qu’est-ce que tu crois, que si tu rends le vote obligatoire, les gens vont voter pour les partis « républicains » ? Mon cul, oui. Rendre le vote obligatoire, c’est le meilleur cadeau que tu puisses faire à Le Pen et Besancenot.
Fin de la discussion, retour au travail.
Morale républicaine à la con. Personne ne m’a encore sortit que des gens étaient morts pour qu’on ait le droit de vote, mais ça n’était pas loin. Cent fois plus de gens sont morts pour la France, ça n’empêche pas l’ensemble de la classe politique de la précipiter vers la mort en chantant.
Enfin bref. Pourquoi je parle de ça ? Déjà, raconter le plaisir intense que j’éprouve à faire fermer leur claque-merde à des écolos-libéraux-citoyens de pacotille. Ce n’est quand même pas négligeable.
Et puis revenir sur cet argument de l’Irak. Certes les irakiens ont bravés la terreur pour aller voter. Seulement, il y a une différence majeure entre eux et nous. Eux peuvent influer sur leur destin. Leur vote servait vraiment à quelque chose. Le vote des irakiens allait déterminer la forme qu’allait prendre leur Etat, leur pays. Par ce vote, les irakiens pouvaient choisir leur destin.
Et nous ? Concrètement, on a le choix entre voter pour savoir si l’Etat fera faillite entre 2012 ou 2013. Voter pour savoir si une crise sociale destructrice ravagera la France en 2011 ou en 2012. Voter pour la disparition de la France en 50 ou 55 ans. Voter pour savoir si on expulsera 4 000 ou 5 000 clandestins l’an prochain. (Non, je ne m’avance sur aucun chiffre précis, c’est juste pour donner une idée.)
Et par pitié, je vous en prie, qu’on ne me parle pas du vote blanc. Est-il comptabilisé ou que ce soit ? Non, nulle part, que dalle, nada. Le vote blanc, c’est le stade suprême de l’aliénation citoyenniste, encore plus fort qu’aller lâcher des ballons pour sauver je ne sais quelle grognasse qui s’est retrouvée prise en otage par je ne sais quelle guérilla paléo-marxiste. Le vote blanc, c’est choisir de ne pas choisir – ce qui est en soit éminemment respectable – mais surtout ne pas choisir de façon à ne pas être entendu, et en plus en faisant un effort. Le vote blanc, c’est se lever, marcher, accomplir une action, le tout pour ne pas être entendu !
Franchement, si vous connaissez quelque chose de plus con, faîtes-moi signe.
Bref, tout ça pour dire que ces deux derniers dimanche, je suis resté tranquillement chez moi à jouer à des jeux-vidéos, zoner sur facebook ou télécharger illégalement, comme le dit si bien Jérôme Leroy. Ah, et à lire aussi. Et faire du sport. Et voir des amis. Bref, faire tout un tas de trucs largement plus utile que perdre mon temps à donner mon avis sur des sujets qui ne m’intéressent pas tout en donnant mandat à des gens qui ne me représentent pas pour faire des trucs qui me seront désagréables.
Duhamel disait je ne sais plus où que si les gens ne votaient pas aux régionales, c’est parce qu’ils ne connaissaient pas leurs régions et leurs compétences. C’est, peu ou prou, la thèse de Zemmour. Excusez-moi de le dire, mais ils se trompent. J’adore ma région. Je n’y suis pas né, n’y ai pas de racine, elle est peuplé de connards, mais mine de rien, je l’aime quand même. J’ai même son drapeau sur mon bureau, entre celui de la France et celui de l’OTAN. Et je connais très bien ses compétences, mince, avec les études que j’ai faites, le contraire serait légèrement scandaleux. Mais simplement, personne ne me représente à ces élections. C’est tout. Est-ce si difficile à comprendre ?
Et pour finir, qu’on ne me parle pas de devoir à propos du vote. Le devoir, ça s’applique à ceux qui prennent les armes pour aller défendre leur pays, que ce soient les résistants français dans les montagnes du Vercors, les conscrits israéliens dans le désert du Néguev, les insurgés du FLN dans la casbah d’Alger, ou les soldats de l’OTAN en Afghanistan. Le devoir, c’est risquer sa vie, c’est ramper dans la boue, c’est marcher des heures durant sous un soleil de plomb, c’est se faire trouver la peau et revenir traumatisé d’avoir vu la cervelle de son meilleur pote étalé sur son treillis, le tout pour une idée plus grande que soi.
Alors, mettre ses chaussures, faire une centaine de mètres et glisser un bulletin dans une urne, du devoir ?
Quelle blague.