De tous les coins du cinéma d’Europe, celui de l’Est est celui qui inlassablement me fait le plus peur et échoue à me motiver. La critique a beau s’enflammer sur l’émergence du cinéma roumain, je n’ai pas eu le courage de croquer dedans. La dernière fois que je me suis aventuré (cinématographiquement) en Europe de l’Est, je crois que c’était pour Katyn, d’Andrzej Wajda. Je ne regrette jamais d’avoir vu un film, mais après coup je me suis tout de même dit que celui-là, si je l’avais raté, je m’en serais remis.
Pour la première fois depuis quelques mois, j’ai de nouveau éprouvé l’envie de voir un film d’un pays d’Europe de l’Est. C’est rare. Ce qui est encore plus rare, c’est que j’en suis sorti loin de la déception. Eastern Plays est un film bulgare, un pays peu représenté dans les salles françaises (certes leur rendement niveau production ne doit pas non plus être du niveau d’autres pays d’Europe). Un premier film, qui plus est. Bien sûr, être passé par le Festival de Cannes, à la Quinzaine des Réalisateurs (et y être bien reçu), aide à trouver par la suite un distributeur en France. Tant mieux.
Ce qui me rebute souvent dans le cinéma d’Europe de l’Est, c’est le caractère sombre, voire glauque du cadre dans lequel les cinéastes choisissent de poser leurs sujets. Et le traitement qui va avec. Le réalisateur Kamen Kalev nous envoie lui une plume plutôt qu’un poids, et esquisse son histoire pourtant peu joviale avec une certaine luminosité. Car en fait de glauque, le sentiment qui se dégage d’Eastern Plays est celui d’une profonde mélancolie.
La caméra s’attache à Christo, trentenaire, bossant pour une fabrique de meubles mais rêvant à une vie où il pourrait se consacrer pleinement à son art, la sculpture sur bois. Il a une petite amie auquel il n’est pas attaché, des parents qu’il voit peu et un frère qu’il voit se laisser entraîner vers la violence. Il glisse à travers la vie sans parvenir à y voir de la joie, et se noie dans l’alcool du matin au soir. Un éclair de lumière entre pourtant dans sa vie lorsque, une nuit, il défend une famille turque agressée par une bande violente.
Pour Christo, éprouver de l’empathie pour son prochain est une inconnue qu’il aimerait maîtriser. Il a beau être un brave gars serviable, il ne ressent rien. Paradoxe d’un rêveur qui ne croit pas en ses rêves, d’un artiste qui n’a pas le courage de goûter à l’aventure. D’un rebelle empêtré dans son quotidien et ses démons.
Le plus beau cinéma est celui qui sait se montrer lumineux. Il ne s’agit pas de mièvrerie, de bons
Petite parenthèse, l’acteur Christo Christov, apparemment très proche hors caméra du personnage qu’il incarne dans Eastern Plays, est décédé pendant le tournage. Comme si le film n’était pas suffisamment teinté de désenchantement…