Plutôt que de voir des vidéos devant des écrans banals dans des positions inconfortables (elles sont rarement aussi bien présentées qu’à la Maison Rouge), j’en ai vu ce week-end dans deux contextes inhabituels. D’abord chez moi, dans le cadre du Festival Vidéo Appart (quatre nouveaux appartements le week-end prochain) : outre Jean-Charles Hue (Tijuana) et Laurent Mareschal (White Line), dont je connaissais déjà le travail, j’ai beaucoup aimé Vidéocartographie : Aïda de Till Roeskens, un écran où se dessinent des signes, où se content des drames sans que jamais on ne voit les protagonistes : quand la violence est au-delà du montrable, comment la montrer ? C’est l’interrogation qui sous-tend le travail de Walid Raad et du couple Hadjithomas / Joreige; la réponse ici est plus dépouillée, plus conceptuelle, mais n’est pas moins forte : ‘la résistance à l’occupation par contournement’.
Comme le dit un commentaire, le choix des vidéos et leur agencement dans l’appartement créaient une véritable expérience, légèrement déstabilisante à vrai dire. Sur la cheminée, sur un petit écran avec casque, était montrée la vidéo qui m’a le plus touché, Scene Failure de Khalil Almozayen : un ballet entre deux hommes, le geôlier tortionnaire et le prisonnier, éclats de lumière et de son, où les stigmates des sévices deviennent peinture, image de femme sur le corps de l’homme brisé.
Non content du spectacle chez moi et dans les autres appartements du circuit, je me suis retrouvé dimanche en petite tenue dans un sauna à Mains d’Oeuvres. Pauline Bastard et Ivan Argote (déjà vu à Montrouge), qui y sont en résidence, travaillent, entre autres, sur l’expérience artistique du spectateur, visiteur ou auditeur. Où voir des vidéos de manière plus intime, plus retirée du monde, tout en se délassant et en établissant un contact avec les autres spectateurs (et plus si affinités) : n’ayant pas l’audace de Christoph Büchel, ils ont opté pour une cabine de sauna, installée dans l’arrière-boutique de Mains d’Oeuvres, où l’on tient à 4 ou 5 et où, détendu, ionisé, suant à grosses gouttes et aussi à l’aise que possible au milieu des corps dénudés, on regarde des vidéos, l’écran étant sur la porte du sauna.
Le programme dure environ 15 minutes : pas de risque de crise cardiaque. Il comprend le désopilant et ambigu I’m not the girl who misses much de Pipilotti Rist, trois ‘clips’ sportifs d’Anne-Lise Ragno, Double Six de Claude Closky et Emerge de Stéphane Broc, que je ne connaissais pas : ces deux nageurs affalés, agités de soubresauts comme des poissons asphyxiés devant un piédestal de départ de course numéroté m’a fait prolonger mon séjour dans le Sauna pour le voir et le revoir, au risque de ma vie, c’est dire. Le Sauna est là pour quelque temps, il voyagera aussi, ne manquez pas l’expérience de ce nouvel espace d’exposition. Du coup, je n’ai pas eu le temps de voir l’exposition à côté. Et si j’installais un sauna-vidéo chez moi ?
Photo 2 de Miyoko Caubet. Photos 3 et 4 de Vinciane Verguethen, courtoisie Mains d’Oeuvres. Photo 5 courtoisie Ivan Argote & Pauline Bastard et courtoisie Collection du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis.