A la recherche du temps perdu (Craig Raine)

Par Arbrealettres


Je retourne donc vers une langue morte :
ineo, je pénètre, j’entre, je commence.

Doleo, je souffre, j’ai de la peine.
et tout le monde croit que je suis brave.

Ignis, ignis, masculin, feu :
au crématorium de Saint-Pancrasse, je fixe du regard.

étourdi par la caféine,
le cercueil de chêne clair,

me demandant ce que je ressens, où j’en suis.
Vulnus, vulneris, neutre, une blessure.

Je regarde disparaître le cercueil
au son d’un enregistrement de Mozart, son vernis

va bientôt former des cloques
et éclater en forme de boa

de feu qui crépite dans toute sa longueur,
juste au moment où on arrive au Dies Irae.

Les muscles se contractent à cause des flammes.
Les muscles se contractent dans les flammes.

Je tombe dans le sentimentalisme
puis je reviens à moi.

Iter, itineris, neutre, un voyage.
Sans fin. Là où le chemin est vide.

Sine suivi de l’ablatif, sans.
J’ai les mots dans la bouche.

mais je ne peux m’enseigner
la simple, la dure leçon de la peine.

Si terrible à apprendre. Trop difficile
pour apprendre les mots par cœur.

Je ne peux accepter ta mort.
Tu es encore ici, dans ma tête :

Agaçante, irritable, dure à apaiser,
non résolue, peu aimable, aimée.

Cette bulle au coin de ta bouche
Qui semble signifier tellement pourtant.

(Craig Raine)