N'hésitez d'ailleurs pas à consulter l'interview dans son intégralité si le sujet du livre numérique vous intéresse.
Apple et son iPad y est présenté comme le chevalier blanc de l'édition américaine, comme vous pouvez le voir dans l'extrait ci-dessous.
On retiendra aussi qu'Hachette pense être en mesure de fournir 8.000 livres en français lorsque iBooks sera disponible dans l'hexagone. Quand ? C'est une autre question.
Les Echos : Demain, Apple, Amazon et Google seront-ils vos principaux rivaux ?
Arnaud Nourry : Vu leur poids, ces groupes pourraient un jour être tentés de négocier en direct avec des auteurs de best-sellers. Amazon a pris des initiatives en ce sens à la fin de l'année dernière. Dans l'édition anglo-saxonne, le poids des marques est très faible. Ce n'est pas comme en France où les auteurs sont attachés à la NRF de Gallimard, à la couverture jaune de Grasset, à la bleue de Stock. Heureusement il y a, partout dans le monde, une très grande loyauté des auteurs envers les personnes physiques qui s'occupent d'eux dans les groupes d'édition. C'est beaucoup moins vrai des agents qui sont, eux, très sensibles aux prix qu'ils peuvent obtenir dans les enchères !
Mais Apple est aussi votre allié…
Apple vient de redonner des marges de manoeuvre aux éditeurs américains face à Amazon… Lorsque, en janvier, Apple est sorti du bois avec son iPad, nous nous sommes dit qu'il y avait une véritable fenêtre de tir pour rééquilibrer le rapport de force avec Amazon sur cette question du livre numérique. Rappelez-vous : courant 2008, Amazon, qui venait de lancer aux Etats-Unis une nouvelle version de son lecteur numérique, le Kindle, avait décidé, sans rien dire aux éditeurs, de vendre les nouveautés au prix de 9,99 dollars le téléchargement, quitte à perdre plusieurs dollars sur chaque ouvrage. Cela a été un choc terrible pour les éditeurs. D'autant que Barnes & Noble et tous les autres revendeurs de livres numériques se sont alignés. Nous avons essayé de discuter avec l'ensemble des acteurs, sans succès. Amazon - qui, l'an dernier, a représenté 85 % de nos ventes de livres numériques -estimait que c'était son affaire s'il voulait faire du livre numérique un produit d'appel. Il avait une stratégie claire : installer son Kindle sur le marché et peut-être empêcher d'autres acteurs de prospérer. Mais les éditeurs américains, dont Hachette, ne se sont pas laissé faire.
Comment avez-vous réagi ?
En septembre, Hachette a contre-attaqué. Au moment de la sortie des mémoires de Ted Kennedy, nous leur avons fourni le livre, commercialisé un peu plus de 30 dollars, mais pas le fichier numérique. En décembre, nous avons franchi un palier de plus en annonçant que nous ne leur donnerions plus aucun fichier numérique des nouveautés au moment de leurs sorties. D'autres grands éditeurs ont fait de même. La sortie programmée de l'iPad d'Apple devrait nous permettre de sortir de cette impasse.
En quoi l'iPad change-t-il la donne ?
L'iPad va être lancé aux Etats-Unis avec près de 6.000 références Hachette Book Group. Nous nous sommes mis d'accord sur un mandat d'agent. Dans ce schéma, c'est l'éditeur qui fixe le prix de vente des livres - ce sera donc pour les nouveautés 12,99 dollars ou 14,99 dollars s'il ne s'agit pas de best-sellers et les prix seront moins élevés pour les livres de poche. Nous percevrons une rémunération de 70 % du prix de vente, Apple 30 %. Pour les revendeurs, il y a maintenant deux possibilités : accepter ce contrat de mandat ou attendre près d'un an, c'est-à-dire la sortie en poche, pour disposer du fichier numérique. Nous sommes en discussion avec tous les revendeurs américains qui seront ravis de sortir de la vente à perte. Apple apparaît aujourd'hui comme le chevalier blanc de l'édition américaine. D'autant que, malgré sa grande puissance, il n'a jamais cherché à intégrer l'amont, c'est-à-dire la création.
Pensez-vous que ce modèle soit transposable en France ?
Après son iPad, Apple devrait lancer son « e-book store » dans le courant de l'année. Et nous pourrons proposer d'emblée les 8.000 titres déjà numérisés sur notre plate-forme Numilog. J'ai l'espoir que les conditions que nous avons négociées aux Etats-Unis seront peu ou prou transposées dans les autres pays.