Immanquablement, le 21 mars vient nous rappeler que l’hiver ne passera pas l’hiver.
Animés d’un fol espoir, nous scrutons le ciel noir en espérant le froid. La neige essaie encore mais se liquéfie avant d’atteindre le sol tiède. Le désespoir s’installe à la vue des bourgeons qui bourgeonnent. De cette vie souterraine qui menace. De ces feuilles vert tendre qui attendent leur heure. Tapi dans une vieille souche humide, le moustique rêve de bras nus et de jambes dorées. De rares fleurs jaunes se déploient avant d’être heureusement fauchées par un coup de gel que plus personne n’osait espérer. L’hiver bouge encore. Mais on sent que la fin est proche. Les jours s’allongent.
L’homme bélier arrive. Il ouvre un œil et découvre un monde en deuil. Un monde privé de ski. Ce traumatisme originel le plonge dans une mélancolie durable. Dès son premier jour, l’homme bélier dépérit. Il s’étiole. Après neuf long mois passés à attendre le jour, voici neuf mois interminables à espérer la neige qu’il aimerait tant serrer dans ses mains. En faire des boules ou des bonhommes. Glisser silencieusement sur une pente soyeuse. Tracer une courbe parfaite en se laissant porter par le vent. Sentir l’odeur bleue des cristaux en suspension dans l’air glacé. Alors, l’homme bélier se défoule. Il fait du vélo. Du surf. Du tennis. De la planche à voile ou de la course automobile. N’importe quel sport de substitution. Il s’élance du haut des ponts, suspendu à un fil élastique. Il s’accouple et se marie. Il prend des risques insensés pour oublier la vue écœurante de toutes ces montagnes recouvertes d’un vert immonde et inutile.
Rien n’y fait.
Rien ne remplace la neige.
Même quand il danse avec la mort, l’homme bélier bâille en attendant l’hiver.