Je ne pensais pas écrire une telle chose dans ma vie. Vraiment. J'ai déjà rabâché plein de fois dans ces colonnes à quel point la chanson en Français, du rap à la pop en passant par la variet', me gonflait. Et je pense que, dans la communauté du "blogueur français", cela ne choquera personne. Je serais plutôt dans le consensuel en disant ça. L'inverse, au contraire, me ferait passer pour un rebelle. Ou pour un connard sans goût, suivant la véhémence et l'appetit du conflit de chacun. Mais il faut bien avouer que parfois je suis forcé de changer d'avis.
Je parlais ici de l'impossibilité pour les artistes nationaux de trouver l'équilibre entre crédibilité artistique et marketing de l'image, dès lors qu'ils chantaient en français. En bref, de sonner pop en français sans faire variet'. Et bien, il se peut qu'une artiste soit en passe de réaliser cet exploit. Et c'est un peu la dernière à laquelle je pensais pour le faire. Non que je ne l'aimais pas. J'étais juste assez indifférent.
Cette artiste, c'est Alizée. Ça fait déjà plusieurs mois qu'on sait qu'elle a collaboré avec le label Institubes et ses artistes maisons (dont les excellents Chateau Marmont) pour son nouvel album, "Un enfant du siècle". Tout le monde se doutait donc bien que l'ancienne "Lolita" voulait effectuer un tournant dans sa carrière et que l'electro-pop "branché" était son nouveau dada. Mais combien de chanteurs et chanteuses avant elle se sont entichés des producteurs hype du moment pour au final délivrer quelque chose d'approximatif et surtout de très très désincarné et opportuniste ? Les Anglo-saxons les premiers. D'autant qu'avec sa pop bubblegum un peu provocante d'hier (3 albums en dix ans), la starlette revient de loin. Son image est faite. Elle est cataloguée. Et il n'y a rien de plus difficile de sortir d'un catalogue en France.
Mais une chose est sûre : ce nouvel album d'Alizée est un petit miracle. En laissant faire ses producteurs, en arrêtant l'arrogance de vouloir composer soi-même ces titres, en se laissant sculpter comme toute pop-star qui se respecte, la jeune chanteuse est devenue quelqu'un d'autre. En écoutant cet album, en regardant le premier clip, Alizée est en train de passer de chanteuse un peu ringarde écoutée par la même base de fan depuis 10 ans à véritable icône pop à la française.
Et je voudrais insister sur le "à la française". A mon avis, cette transformation est en effet particulièrement réussie car elle garde toute sa spécificité française. Alizée ne se met pas à chanter en Anglais (même si certains refrains le sont). Elle ne cherche pas à copier des sons anglo-saxons à la mode. Au contraire, elle adopte une véritable esthétique pop "à la française", tant dans ses sons que dans l'imagerie qui l'accompagne. Lorsque vous voyez son clip, les images qui raisonnent en vous sont celles de tout un pan de french cinéma 70's, des VALSEUSES à EMMANUELLE. Quant à la bande son, elle vous replonge dans l'italo-disco mélancolique de nos jeunes années, celles qui nous inondait les oreilles de plaisir pendant les grandes vacances sur la Côte d'Azur. A ce titre, le dernier morceau de l'album "Mes Fantômes" a, sur moi, l'effet d'une Madeleine de Proust. Sa mélodie fait ainsi naître en moi une intense sensation de mélancolie et de nostalgie sur laquelle j'ai énormément de difficultés à mettre des mots.
Tout cela sans jamais éluder le kitsch nécessaire à ce genre d'ouvrage pop. Car si nos amis scandinaves, de Sally Shapiro à Cloetta Paris, ont dépouillé l'italo-disco de tout sa vulgarité bariolée, Alizée et ses producteurs n'oublient jamais que la "pop à la Française" se doit d'être légèrement grivoise et kitsch en plus de sa mélancolie. D'où des paroles parfois réellement abscons et des sonorités souvent à la frontière du bon goût. Mais c'est la raison pour laquelle ils visent juste. Ils ne sont jamais dans l'imitation et livrent une oeuvre véritablement originale et solide.
C'est pourquoi beaucoup seront décontenancés. Beaucoup l'accuseront de vouloir se la jouer "bobo hype" (ce qui ne veut rien dire, avouons-le). Beaucoup ne comprendront pas. Des nouvelles références musicales au nouveau style. Et puis beaucoup d'autres, comme moi, seront enthousiasmés, tomberont amoureux de cette nouvelle Alizée. Une nouvelle vraie popstar made in France que nous envieront peut-être un jour nos amis Anglo-Saxons comme ils nous enviaient autrefois Françoise Hardy. Et oui, rien de moins !
J'ai un peu de mal à appeler ça un come-back. Mais c'est une vraie découverte... En espérant qu'elle continue à explorer cette voie.