Très vite sa santé se détériorera notamment au niveau respiratoire et il optera pour une vie calme en se ménageant. Jean Ferrat est décédé le 13 mars dernier sans faire de bruit, lui qui fut si souvent boycotté et censuré par les médias qui n’ont pas manqué de jouer contre mauvaise fortune bon cœur en lui rendant un vibrant dernier hommage…
Lorsque Jean Tenenbaum naît à Vaucresson dans les Hauts de Seine, le 26 décembre 1930, rien ne laisse présager un destin unique. Il est le dernier d’une famille de quatre enfants, fils d’un joaillier et d’une fleuriste.
Après des études au lycée Jules Ferry de Versailles où sa famille s’est installée, il commence à se tourner vers la chimie. Mais pendant la guerre, son père est déporté. Tout change pour Jean qui est obligé de travailler pour aider sa famille à survivre. Déjà son goût pour l’art se fait sentir. C’est d’abord vers le théâtre que Jean se tourne en rentrant dans une troupe dans les années 50.
Du théâtre à la chanson
En fréquentant les cabarets avec ses amis, il se lance dans la musique, en écrivant sous le pseudonyme de Jean Laroche et en jouant de la guitare dans un orchestre de jazz.
Même si ses premiers essais ne donnent pas grand chose, il est désormais convaincu qu’il sera chanteur. Nous sommes en 1952.
Aragon
Ses premiers succès, il les doit à Aragon en adaptant « Les yeux d’Elsa », poème de l’écrivain français que Jean Ferrat admire. En 1957, ses débuts sur scène ont lieu à La Colombe, en première partie de Guy Béart.
Puis il chante au Milord l’Arsouille ou à L’Echelle de Jacob. Ce tremplin lui permet d’enregistrer en 1958 son premier 45 tours. Mais surtout, d’autres artistes commencent à interpréter ses titres, comme André Claveau ou Christine Sèvres, une jeune chanteuse qui, en 1961, deviendra son épouse.
Une rencontre riche
En 1959, Jean rencontre Gérard Meys, qui deviendra son meilleur ami, et qui lui permet d’enregistrer en 1960, son premier quatre titres, Ma môme. C’est son premier succès personnel.
Même si l’artiste ne cache jamais ses appartenances politiques et philosophiques (à la gauche de la gauche), ce qui lui vaudra durant sa carrière quelques censures, il n’en reste pas moins un poète de l’amour et de la fraternité.
Son premier album sort en 1961 et ses titres lui valent dès la même année, le Prix de la Sacem. Le voilà parti sur scène, notamment en première partie de Zizi Jeanmaire à l’Alhambra.
De concerts en albums, Ferrat obtient un succès grandissant, jusqu’au troisième album Nuit et brouillard, dont le thème principal est la déportation, qui marque les esprits et fait de Ferrat un artiste à part.
La montagne et Potemkine
Ce sont surtout ces deux titres que sont La montagne (1964) et Potemkine (1965) qui propulse Ferrat au sommet. Mais l’homme sait rester humble et tout en continuant sa carrière, de Bobino à l’Alhambra, il s’installe à Antraigues, au cœur de l’Ardèche, et s’isole pour vivre la vraie vie.
Ses sorties sont lointaines: Mexique ou Cuba, d’où il ramène sa célèbre moustache et de nombreux titres tels que Guérilleros. Sa gloire est désormais internationale et sa plume vengeresse égratigne le monde fort perturbé de cette époque (mai 1968 et les bouleversements d’Europe de l’Est font rage). Ce n’est pas la censure qui arrête Jean Ferrat.
Aragon (bis)
C’est à nouveau Aragon qui, au début des années 1970, va donner à Ferrat l’occasion de briller: Aimer à perdre la raison et son album Ferrat chante Aragon font un malheur.
Ce disque reste encore aujourd’hui un des plus grands succès populaires français. Mais le chanteur, las de la vie de scène et de la notoriété, s’isole: il fait ses adieux à la scène à la fin de l’année 1972, et malgré la production régulière de nouveaux albums ou de reprises, il se fait plus rare.
Profitant du rachat de la maison Barclay par Polygram, Ferrat réenregistre une grosse centaine de ses chansons et les publie en 1980 dans un coffret de douze disques, énorme travail qui lui vaudra de nombreuses récompenses et une notoriété grandissante.
La mort de son épouse…
… en novembre 1981 le plonge dans un grand désarroi et une solitude volontaire. Il lui faudra des années avant de revenir sur le devant de la scène grâce à un album, Je ne suis qu’un cri en 1985, et la même année, un passage à la télévision dans l’émission de Pivot.
Au fil des années, Ferrat continue d’être un des artistes français les plus appréciés, surtout après les “départs” de Brassens, Brel et Ferré.
Après une intégrale 61-91 sortie en 1991, puis après l’intégrale Ferrat Aragon sortie peu après, Ferrat nous offre de temps en temps quelques merveilles dont il a le secret.
Chanté par les plus grands (Gréco, Aubret, Jeanmaire, Guichard pour lequel Ferrat écrit Mon vieux…) écouté et aimé par de nombreuses générations de public, de 7 à 77 ans, Jean Ferrat restera un chanteur unique, à l’écriture remarquable, aux idées fidèles et humanistes, discret et humble. Un homme riche d’humanité et de beauté, un vrai poète en somme…
Adieu Jean et merci pour tes combats et tes chansons...
Photo Flick-cc : Jean Ferrat (http://www.flickr.com/photos/44425842@N00/4429377709/)