... Depuis le jour funeste où son meilleur ami avait eu le malheur de
lui piquer son hochet préféré, une mauvaise idée qui lui avait valu de finir en boite de corned beef, jamais le Sheriff Shark Ozzie n'avait piqué une aussi impressionnante colère qu'en ce matin
du 22 mars 1890. L'annonce de la dérouillée de ses troupes la veille face aux Peaux-Rouges s'était répandue comme une une traînée de poudre enflammée car quand elle n'est pas enflammée, la
traînée de poudre se répand peu. Depuis que les Indiens avaient appris par le fil qui chante que la Carlula Belluni de Shark offrait sa vallée verdoyante à un autre Foie Jaune, ils avaient, non
sans humour, nommé cet affrontement la "Bataille de Little Big Cornes", en hommage au doux sobriquet dont ils affublaient désormais Shark Ozzie.
Shark fulminait comme une batterie Fulmen mangée par
l'acide. Eut-il possédé un ventilo, ça aurait chié sacrément dedans. Mais non. Il avait convoqué Frankie Fillone, Freddy Lefourbvre et le reste de ses hommes de mains au premières
heures du matin dans son bureau. Il avait aussi appelé un petit nouveau, Frankie Barwin, un tueur de la pire espèce connu sous le nom d'Angel Dust car il avait un visage encore angélique
d'adolescent et il ne prenait un bain que tous les quatre ans. En attendant, les murs tremblaient, les noms d'oiseaux fleurissaient et tous
les membres du gang de Shark regardaient leurs santiags avec une attention toute particulière en attendant que passe l'orage. L'orage et le désespoir, tel était l'état d'esprit de Shark
Ozzie. N'avait-il donc tant vécu que pour cette infamie ? N'était-il blanchi dans les travaux guerriers (il laissait faire les autres) que pour voir en un jour flétrir si peu de lauriers ?
Ses bras, droits, qu'avec respect, tout Chihuahuan admirait, ses bras qui avaient tant de fois sauvé son empire, tant de fois raffermi le trône de son roi (lui-même, voir ici
: Pony Express ), avaient trahi sa querelle et ne
faisaient pas grand-chose pour lui. Ô cruel souvenir de sa gloire passée, œuvre de tant de jours de débat sur l'insécurité, l'identité, en un jour effacée. Une nouvelle dignité fatale à son
bonheur, un peu comme un précipice élevé d'où tomberait tel un bronco fou, blam, son honneur. Fallait-il sans éclat, accepter de voir triompher les Peaux-Rouges, mourir sans vengeance ou
vivre à boire du Rouge ? Ou du cidre car rappelons-le, si Shark avait pas mal de vices, il ne buvait quasiment jamais d'alcool. Et le cidre, surtout celui absolument délicieux du vieux "Corn"
O'Neil, avait les faveurs des soirées de Shark.
Quoiqu'il en soit, il était décidé à agir, à se débarrasser des brebis galeuses de son troupeau pour repartir de la bonne santiag. Une chose est sûre,
désormais, il voulait faire leur fête aux Peaux-Rouges. Comme il le disait souvent, "Pluto mort que Peau-Rouge. Et Pluto, on peut lui faire confiance, c'est l'ami de Mickey".
... À suivre (en 2012) ...