Caroline Boin – Le 22 mars 2010. La dix-huitième édition de la Journée Mondiale de l’Eau traite des mêmes vieux problèmes et rejette les solutions pratiques. Le 22 mars, un milliard de personnes, seront toujours sans eau potable et un tiers de l'humanité sans réseau d’assainissement adéquat. Comme d'habitude, quelque trois millions et demi d'hommes, de femmes et d'enfants mourront de maladies liées à ces problèmes d’eau et d’assainissement cette année. Pourtant, de nombreuses ONG et les politiciens préfèrent toujours l'idéologie à des idées, niant ce que le secteur privé fournit aux pauvres du monde.
Les militants prétendent souvent être les défenseurs des pauvres contre des sociétés ne cherchant qu’à maximiser leurs profits. Mais cela ne tient-il pas plus du dogme que de la réalité ? Étant donné que moins de 10% de la gestion mondiale de l'eau est privée, il est difficile de voir comment ils peuvent blâmer les sociétés privées pour un mauvais approvisionnement.
En fait, ce sont bien souvent les États qui gèrent mal l'eau et effectuent une mauvaise répartition de ce bien précieux en fonction des amis politiques et des lobbies puissants, tels que les agriculteurs. Les pauvres, dans les zones rurales ou dans des taudis, restent isolés et incapables de faire grand-chose. Les groupes anti-privatisation ne cessent de répéter que l'eau doit être fournie par l’État, mais ils ignorent que ce dernier a été très souvent le pire ennemi des pauvres.
Dans un autre registre, le World Development Movement et des groupes semblables prétendent que le secteur privé n'a pas fait grand’ chose pour les pauvres, n’ayant connecté que trois millions de personnes dans les pays en développement au cours des 15 dernières années. Mais ce chiffre ne comprend pas l'Amérique latine et le Sud-Est asiatique où la gestion privée de l'eau - et le nombre de personnes obtenant l'eau - a explosé depuis les années 1990. En Argentine, par exemple, les zones à gestion privée bénéficiaient de prix de l'eau plus bas, de davantage de connexions et ont connu un recul des maladies infectieuses et des décès d'enfants.
De nombreux activistes ont mal dépeint l'offre privée en mettant l'accent sur les multinationales tout en ignorant les petits vendeurs d'eau qui distribuent cette dernière aux populations que les États ont abandonnées. Dans de nombreuses villes africaines, ils vendent des sachets d'eau aux passants, et au Paraguay cinq-cents aguateros fournissent près d'un demi-million de personnes en utilisant des citernes et des tuyaux. La Banque mondiale estime que « dans la plupart des villes des pays en développement, plus de la moitié de la population bénéficie de services de base en eau provenant de fournisseurs autres que le service public officiel en place. »
L'Organisation Mondiale de la Santé, comme des militants des ONG, ne tient pas compte de ces vendeurs d'eau « informels », ni de l'eau embouteillée et les citernes. Elle refuse de les considérer comme des « sources d'eau améliorées », comme ils ne sont pas réglementés, imprévisibles et seraient supposément incapables de servir un marché de masse.
Mais pour les centaines de millions de personnes qui comptent sur eux, ces fournisseurs privés d'eau n’ont rien d’incapables. Pour beaucoup, ils représentent la différence entre la vie et la mort.
Les vendeurs informels d'eau sont de toutes formes et tailles, mais ils fournissent de l'eau pour en tirer des bénéfices. Leurs clients sont parmi les plus pauvres, mais prêts à payer pour protéger leur famille de la maladie, et à allouer leur temps à autre chose que la recherche d'eau potable.
Le succès de ces services d'eau privés dans toute l'Amérique latine, en Afrique et en Asie réfute l'allégation selon laquelle les pauvres sont trop pauvres pour payer l'eau et que le secteur privé n'a pas d’incitation à les servir. En fait, les pauvres payent souvent l’eau plus cher que ceux des régions prospères avec fourniture « formelle ». Une enquête de la Banque mondiale dans les villes d'Amérique du Sud a constaté que, en moyenne, l'eau transportée par camion coûte quatre à dix fois plus que le prix du réseau public. À Kibera, un bidonville de Nairobi, d'environ un million de personnes, l’eau en Jerrycan se vend à quatre fois le prix moyen au Kenya.
Les militants qui accusent le secteur privé de privilégier les profits doivent réaliser trois choses. Tout d'abord, les vendeurs d'eau cesseraient de fournir de l'eau s'ils ne faisaient pas de bénéfices. Deuxièmement, les États sont en grande partie à blâmer pour les prix plus élevés, car ils limitent ou interdisent l'offre privée. Enfin, les gens achètent auprès de fournisseurs de manière volontaire, souvent avec un choix de fournisseurs.
L’accès à l'eau potable est relativement élevé en Algérie, à 88% de la population urbaine et 82% des habitants des zones rurales. Toutefois, la couverture n'a cessé de diminuer depuis le milieu des années 1990. Les pénuries d'eau ont été imputées à l'absence d'investissement dans les réseaux d'eau, le vieillissement des réseaux d'approvisionnement ainsi qu’à une mauvaise gestion.
Si la quasi-totalité des habitants des villes du Maroc ont accès à l'eau potable, il y a eu peu d'amélioration pour les habitants des zones rurales - 59% seulement des habitants des zones rurales avaient accès en 2004, comme en 1987.
Le thème retenu cette année pour la Journée Mondiale de l'Eau est la qualité. La légalisation du travail des fournisseurs d'eau devrait alors être une priorité. Ils pourraient posséder des sources, des terres et des infrastructures, obtenir du crédit et étendre leurs opérations, desservant plus de gens à des prix moins cher, avec une eau de meilleure qualité. Ce sont ces projets à petite échelle – et non les promesses non tenues des politiques - qui peuvent rapidement améliorer l'approvisionnement en eau pour les pauvres.
Caroline Boin est directeur de projet au think tank londonien l’International Policy Network.